Histoire Romaine
d’anciens serviteurs, en faveur desquels le
maître a abdiqué ses droits, en leur concédant la liberté matérielle. La
situation légale du client n’avait rien qui ressemblât à celle de l’hôte ou à
celle de l’esclave : il n’est point un ingénu ( ingenuus ) libre, bien
qu’à défaut de la pleine liberté, il pût jouir des franchises que lui laissait
l’usage et la. bonne foi du chef de maison. Il fait partie de la domesticité
comme l’esclave, et il obéit à la volonté du patron ( patronus , dérivé de
la même racine que patricius ). Celui-ci, enfin peut mettre la main sur
sa fortune ; le replacer même, en certains cas, en état d’esclavage ;
exercer sur lui le droit de vie et de mort. Si, enfin, il n’est pas, à l’égal
de l’esclave, assujetti à toutes les rigueurs de la loi domestique, ce n’est
que par une simple tolérance de fait qu’il reçoit cet adoucissement à s’on sort.
Enfin, le patron qui doit à tous les siens, esclaves ou clients, sa sollicitude
de père, représente et protége, d’une façon toute spéciale, les intérêts de ces
derniers. Leur liberté de fait se rapproche peu à peu de la liberté de droit, au
bout d’un certain nombre de générations : quand l’affranchissant et l’affranchi
sont morts, il y aurait impiété criante, chez les successeurs du premier ;
à vouloir exercer les droits du patron sur les descendants du second. Aussi, voit-on
peu à peu se relâcher le lien qui rattache à la maison les hommes libres et
dépendants tout à la fois : ils forment une classe intermédiaire, mais
nettement tranchée, entre les serviteurs esclaves et les gentiles ou cognats ,
égaux en droits au nouveau père de famille.
Au fond et dans la forme, la famille romaine est la base de
l’État romain. La société s’y compose de l’assemblage des anciennes
associations familiales, Romiliens, Voltiniens, Fabiens, etc., qui se sont à la
longue, ici comme partout ailleurs, fondues en une grande communauté. Le
territoire romain se compose de leurs domaines réunis ; tout membre d’une
de ces familles est citoyen de Rome. Tout mariage contracté suivant les formes
voulues, dans le cercle de la cité, est un juste mariage ; les enfants qui
en proviennent seront également des citoyens. Aussi, les citoyens, de Rome s’appellent-ils
emphatiquement pères, patriciens, ou enfants de pères ( patres , patricii ) :
eux seuls ont un père, selon le sens rigoureux du droit politique : eux
seuls sont pères ou peuvent l’être. Les gentes, avec toutes les familles qu’elles
embrassent, sont incorporées en bloc dans l’État. Dans leur constitution
intérieure, les maisons et les familles restent ce qu’elles étaient auparavant ;
mais au regard de la cité, leur loi n’est plus la même sous la main du père
chez celui-ci, le fils de famille, au dehors, se place à coté de lui ; il
a ses droits et ses devoirs politiques. De même, et par la force des choses, la
condition des individus, sous le protectorat d’un patricien, s’est aussi
altérée : les clients et les affranchis sont admis dans la cité à cause de
leur patron ; et, tout en restant dans la dépendance de la famille à
laquelle ils tiennent, ils ne sont point totalement exclus de la participation
aux cérémonies du culte, aux fêtes populaires ; sans qu’ils puissent
prétendre encore, cela va de soi, aux droits civils et civiques, et sans qu’ils
aient à supporter les charges acquittées par les seuls citoyens. Il en est de
même, et a plus forte raison, des clients de la cité tout entière – Ainsi donc
l’État, comme la maison, renferme deux éléments distincts : les ingénus, s’appartenant
à eux mêmes, et ceux qui appartiennent à autrui : les citoyens, et les
habitants ayant simplement l’ incolat .
Comme l’État repose sur l’élément de la famille ; de
même, dans l’ensemble et dans les détails, il en a adopté les formes. La nature
a donné pour chef à la famille, le père dont elle procède, et sans lequel elle
prendrait fin. Mais dans la communauté politique qui ne doit pas périr il n’existe
point de chef selon la loi de la nature. L’association romaine, entre toutes, s’est
formée par le concours de paysans, tous libres, tous égaux, sans noblesse
instituée de droit divin. Il lui fallait quelqu’un pourtant qui la dirigeât ( rex ),
qui lui dictât ses ordres ( dictator ), un maître du peuple enfin ( magister
populi ) ; et
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