Histoire Romaine
interroger les citoyens et le conseil des anciens, sans s’assurer
de leur assentiment au choix qu’il va faire. Toutefois ni le conseil des
anciens, ni les citoyens ne concourent virtuellement à ce grand acte ; et
ceux-ci même n’interviennent qu’après la nomination. Le roi est toujours bien
et régulièrement nommé, dés là qu’il tient son de son prédécesseur [49] . C’est par là que la protection divine qui avait présidé à la fondation de Rome , a
continué de reposer sur la tête des rois, se transmettant sans interruption de
celui qui le premier l’avait reçue, à tous les successeurs. C’est ainsi que l’unité
de l’État a persisté inviolable, malgré les changements survenus dans la
personne de son chef. Le Roi est donc le représentant suprême de cette unité du
peuple de Rome, symbolisée par le Diovis [50] ,
dans le Panthéon romain. Son costume est pareil à celui du plus grand des dieux :
il parcourt la ville en char, quand tout le monde va à pied : il tient un
sceptre d’ivoire, surmonté de l’aigle : il a les joues fardées de rouge :
comme le dieu romain, enfin, il porte la couronne d’or de feuilles de chêne. Toutefois,
la constitution romaine n’est rien moins qu’une théocratie. Jamais en Italie
les notions de Dieu et de Roi ne se sont fondues l’une dans l’autre comme chez
les Égyptiens ou les Orientaux. Le roi n’est point dieu aux yeux du peuple ;
il est plutôt le propriétaire de la cité. On n’y rencontre pas la croyance en
une famille faite royale par la grâce de Dieu ; en ce je ne sais quel charme
mystérieux, qui fait du roi autre chose qu’un mortel ordinaire. La noblesse du
sang, la parenté avec les rois antérieurs est une recommandation : elle n’est
point une condition d’éligibilité. Quiconque est majeur et sain de corps et d’esprit.
peut être fait roi [51] .
Le roi est un citoyen comme un autre : son mérite ou son bonheur, la
nécessité d’avoir un père de famille à la tête de la cité, l’ont fait le premier
parmi ses égaux, paysan parmi les paysans, soldat parmi les soldats. Le fils, qui
obéit aveuglément à son père, ne s’estime pas son inférieur : de même, le
citoyen obéit à son chef, sans se croire au-dessous de lui. C’est ici que dans
les mœurs et dans les faits la royauté se trouve limitée. Certes, le roi peut
faire beaucoup de mal, sans violer absolument le droit public : il pourra
réduire la part de butin de son compagnon de guerre ; ordonner des corvées
excessives ; porter atteinte par des impôts injustes à la fortune, du
citoyen ; mais, en agissant ainsi, il oubliera que sa puissance absolue ne
lui vient pas de la Divinité, qu’elle ne lui vient que du peuple qu’il représente,
avec l’assentiment de celle-ci. -Et alors qu’arrivera-t-il de lui, si ce peuple
oublie le serment qu’il lui a prêté ? Qui le défendra en un tel jour ?
– Enfin la constitution aussi avait, sous un rapport, élevé une barrière devant
la puissance royale. Pouvant librement appliquer la loi, le roi ne pouvait la
modifier. S’il veut la faire changer de route, il convient, qu’avant tout l’assemblée
populaire l’y autorise ; sans quoi l’acte qu’il consomme sera nul et
tyrannique, et n’engendrera pas de conséquences légales.
La royauté, à Rome, telle que les moeurs et la constitution
l’avaient faite, diffère essentiellement de la souveraineté chez les modernes :
de même qu’on ne trouve chez ceux-ci rien qui ressemble à la famille et à la
cité romaines.
A cette puissance absolue que nous venons de dépeindre, la
coutume et les moeurs opposèrent pourtant une barrière sérieuse. Comme fait le
père de famille chez lui, le roi, en vertu d’une règle reconnue, ne prend pas
de décision dans les circonstances graves, sans s’éclairer du conseil d’autres
citoyens. Le conseil de famille est un pouvoir modérateur pour le père et l’époux :
le conseil des amis, dûment convoqué, influe par son avis sur le parti qui sera
adopté par le magistrat suprême. C’est là un principe constitutionnel en pleine
vigueur sous la royauté, comme sous les régimes venus après-elle. L’assemblée
des amis, du Roi rouage désormais important dans l’ordre politique, ne fait pas
pourtant obstacle légal au pouvoir illimité dont le représentant l’interroge en
certaines graves occurrences. Elle n’a point à intervenir dans les choses
touchant à la justice ou au
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