Histoire Romaine
cité plaçait sur la même ligne
tous les membres qui lui appartenaient, nous venons de le dire. On sait que les
différences existant à l’intérieur de la famille, quoique souvent elles persistassent
encore au dehors, devaient pleinement s’effacer au regard des droits de citoyen ;
que tel fils, regardé dans la maison comme sien, par son père, pouvait être
appelé à lui commander dans l’ordre politique. Il n’y avait point de classes ni
de privilèges parmi les citoyens. Si, les Titiens passaient avant les Ramniens,
et ces deux tribus avant celle des Lucères, cette préséance ne nuisait en rien
à leur égalité civile.
Appelée à se battre, en combat singulier surtout, à pied
autant qu’à cheval, et en avant de la ligne de l’infanterie, la cavalerie d’alors
constituait une troupe d’élite ou de réserve, plutôt qu’une arme spéciale :
composée de citoyens plus riches, mieux armés, mieux exercés que les fantassins,
elle était plus brillante que ceux-ci. Mais le fait ne changeait rien au droit :
il suffisait d’être patricien pour pouvoir entrer dans ses rangs. Seule, la
répartition des citoyens dans les curies créait entre eux des différences, sans
créer jamais une infériorité constitutionnelle, et leur égalité se traduisait
jusque dans les apparences extérieures. Le chef suprême de la cité se
distinguait par son costume : le sénateur se distinguait aussi du simple
citoyen ; l’homme adulte et propre à la guerre, de l’adolescent. Sauf ces
exceptions, tous, riches et pauvres, hommes nobles ou hommes de naissance
obscure, revêtaient le même et simple vêtement de laine blanche, la toge ( toga ).
Assurément on peut faire remonter jusqu’aux traditions indo-germaniques les
pratiques de cette égalité civile ; mais nul peuple ne l’a mieux comprise
et poussée plus loin que le peuple latin : elle est le caractère propre et
fécond de son organisation politique ; et elle remet en mémoire ce fait si
remarquable qu’à l’époque de leur arrivée dans les campagnes italiques, les
immigrants latins n’y ont pas rencontré devant eux une race antérieurement
établie, inférieure à leur civilisation, et qu’ils auraient dû s’assujettir. De
là, une grave conséquence. Ils n’ont fondé chez eux, ni les castes à la façon
des hindous, ni une noblesse à la façon des Spartiates, des Thessaliens et des
Hellènes en général ; ni enfin ces conditions distinctes entre les
personnes instituées chez les peuples germaniques à la suite de la conquête.
Il va de soi que l’administration de l’État s’appuie sur les
citoyens. La plus importante des prestations dues par eux, est le service
militaire, puisque les citoyens seuls ont le droit et le devoir de porter les
armes. Le peuple et l’armée sont un, à vrai dire ( populus , se rapprochant
de populari , ravager ; de popa , le sacrificateur qui
frappe la victime ). Dans les anciennes litanies romaines, le peuple est la
milice armée de la lance ( poplus , pilumnus ), pour qui est invoquée
la protection de Mars : le roi enfin, quand il parle aux citoyens, les
appelle du nom de porte lances ( quirites ) [57] . Nous avons vu
déjà comment était formée l’armée d’attaque, la levée ou légion (legio). Dans
la cité romaine tripartite, elle se composait des trois centuries ( centuriœ )
de cavaliers ( celeres , les rapides , ou flexuntes , les caracoleurs )
sous le commandement de leurs trois chefs ( tribuni celerum ) [58] , et des divisions
de mille fantassins chacune, commandées par leurs trois tribuns militaires ( tribuni
militum ). Il y faut ajouter un certain nombre d’hommes armés à la légère, et
combattant hors rang, des archers, principalement [59] . Le général, dans
la règle, était le roi : et, comme il lui avait été ajouté un chef spécial
pour la cavalerie ( magister equitum ), il se mettait lui-même à la tête
de l’infanterie, qui, à Rome, comme ailleurs d’ordinaire, fut tout d’abord le
noyau principal de la force armée.
Mais le service militaire ne constituait pas la seule charge
imposée aux citoyens. Ils avaient aussi à entendre les propositions du roi en
temps de paix et de guerre ; ils supportaient des corvées, pour la culture
des domaines royaux, pour la construction des édifices publics ; et, notamment
la corvée relative à l’édification des murs de la ville était tellement lourde
que le nom de ceux-ci est demeuré synonyme de prestations
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