Histoire Romaine
bien avant la prise d’Albe, Rome était déjà la cité la plus
puissante parmi les cités du Latium : encore n’est-ce qu’à dater de là qu’elle
a eu la présidence dans les grandes cités latines ; et que, par suite, elle
a conquis l’hégémonie de toute la confédération. Il importe de faire connaître
le plus exactement possible cet événement décisif dans son histoire.
L’hégémonie de Rome fut établie sur le pied d’une alliance
conférant des droits égaux aux parties contractantes. D’un côté était Rome, de
l’autre, la fédération latine. La paix fut déclarée perpétuelle dans tout le
territoire ; et l’alliance, aussi perpétuelle, fut offensive et défensive
tout à la fois : Il y aura paix entre les Romains et les cités des
Latins, disait le traité , si longtemps que dureront le ciel et la
terre les fédérés ne se feront point la guerre entre eux ; ils n’appelleront
point l’ennemi dans le pays et ne lui livreront point passage ; si l’ennemi
les attaque, ils seront secourus par tous ; le gain de la guerre faite en
commun sera partagé entre tous . Égalité complète dans les relations de
la vie et du commerce, dans la jouissance du crédit, dans le droit d’hérédité :
langues et moeurs pareilles : rapports multiples et quotidiens entre les
villes alliées : tout créait la communauté des intérêts, resserrait l’alliance
et produisait aussitôt l’effet obtenu de nos jours par la suppression des
barrières douanières. Chaque cité pourtant conserva son droit propre : entre
le droit latin et celui des Romains, il n’y eut pas identité nécessaire et
préconçue, du moins jusqu’au temps de la guerre sociale. Citons un exemple :
les fiançailles consommées engendraient une action, qui fut maintenue chez les
Latins, alors que depuis longtemps elle avait disparu à Rome. Mais le génie de
la loi latine était simple et populaire ; il tendait à fonder partout l’égalité :
et bientôt, dans le régime du droit privé, il amena, pour le fond et pour la
forme, l’identité même des institutions. Les dispositions relatives à la perte
ou à l’acquisition de la liberté civile, attestent d’une façon remarquable l’égalité
du droit entre les Latins. L’on sait qu’en vertu d’un antique et vénérable
précepte, nul citoyen ne pouvait devenir esclave, ou perdre la cité, là où il
avait vécu libre : que si cependant il avait encouru, à titre de peine, et
la privation de sa liberté, et par suite, celle de ses droits civiques, il
était obligé de quitter l’État, et devenait esclave chez l’étranger. Cette
règle fut en vigueur dans toutes les villes de ligue : nul citoyen de l’une
d’elles ne pouvait tomber en esclavage dans l’étendue du territoire fédéral. A
cette même règle se réfèrent et la disposition des XII Tables, d’après laquelle
le créancier, qui veut vendre son débiteur insolvable, est tenu de le conduire
de l’autre côté du Tibre [86] ,
c’est-à-dire hors du territoire allié : et l’article du second traité
entre Rome et Carthage, suivant lequel tout captif appartenant aux fédérés
romains, redevient libre dés qu’il touche à un port appartenant à Rome. Nous
avons vu que, très probablement, l’égalité juridique, établie dans la confédération,
avait eut aussi pour résultat la communauté des mariages : et que tout
citoyen d’une ville latine contractait de justes noces en épousant une femme, citoyenne
d’une autre ville aussi latine. Il ne pouvait espérer de droits politiques que
dans sa cité seule, cela est clair : mais, dans l’ordre au droit civil
privé, il avait là faculté de s’établir en tout lieu du Latium. Pour emprunter
le langage moderne, côté du droit civil spécial à chaque cité, et aux termes du
droit fédéral commun à tous les membres de l’alliance, la complète liberté du
domicile existait au profit de tous. Rome, plus que toute autre, ville, tira
avantage de ces institutions. Capitale de la confédération des États latins, seule
elle offrait les ressources d’une ville relativement grande, au commerce, à l’esprit
de lucre et au besoin des jouissances matérielles. On ne sera pas étonné en
voyant le nombre de ses habitants s’accroître démesurément vite, à dater du
jour où le pays latin va vivre avec elle sur le pied d’une paix perpétuelle.
Les cités latines ne restèrent pas seulement indépendantes
et souveraines dans
Weitere Kostenlose Bücher