Histoire Romaine
longueur de l’Adriatique, un seul marché méritant ce nom (les succès d’Ancône
commencent plus tard, et bien plus tard encore ceux de Brundisium [ Brindisi , Brindes ]), on comprend que le plus souvent les navires
d’Epidamne et d’Apollonie allaient aussi atterrir à Tarente. Enfin, les
Tarentins avaient ouvert avec l’Apurie des relations assez suivies par voie de
terre, et il faut leur attribuer les quelques éléments de civilisation grecque
qui avaient pu pénétrer dans la région du sud-est. Mais, à cette heure, ces
éléments sont à l’état de germes seulement ; ils ne se développeront que
dans les siècles postérieurs.
Il ne faut pas douter en revanche, que la côte occidentale, au
nord du Vésuve, n’ait été fort anciennement visitée par les Hellènes, et qu’il
n’y ait été créé des comptoirs sur les promontoires et dans les îles. Nous
avons,, tout d’abord, un témoignage précieux de ce fait dans la légende d’Ulysse,
qui place les aventures de son héros, non loin des plages tyrrhéniennes [130] . On croyait
retrouver les îles d’Éole, dans le groupe de Lipari ; l’île de Calypso, près
du promontoire Lacinien [ île d’Ogygie ] ; l’île des Sirènes, près du
cap Misène ; l’île de Circé, près du cap Circéien [maintenant Cireco ] ;
le tombeau élevé d’Elpénor, au sommet de la roche escarpée de Terracine. Les
Lestrigons habitaient près de Caïéta et de Formies [ Gaëte , et Mola di
Gaeta ]. Les deux fils qu’Ulysse avait eus de Circé, Agrios (c’est-à-dire le
sauvage), et Latinos, régnaient sur les Tyrrhéniens dans le coin le plus
reculé de l’île sacrée . Une autre version, plus récente, mentionne
Latinus, l’unique fils d’Ulysse et de Circé, et Ausone, fils d’Ulysse et de
Calypso. Ne sont-ce point là de vieux contes rapportés par ces marins d’Ionie, que
l’image de la douce patrie avait accompagnés jusque dans les mers tyrrhéniennes ?
L’imagination vive et brillante qui se joue dans le cycle poétique de l’Odyssée
ionienne, mettait le sceau à la légende, en en transportant le théâtre dans les
environs de Cymé et dans tous les parages fréquentés par la marine cyméenne. Ces
indices d’anciennes expéditions helléniques ne sont pas les seuls. On en rencontre
d’autres encore dans le nom de l’île d’ Æthalia ( Ilva , Elba , l’île d’Elbe ), qui semble, après celle d’ Ænaria [ Ischia ],
avoir été la plus tôt visitée : peut-être aussi dans le nom du port de Télarnom [ Telamone porto ], en Étrurie ; dans celui des deux villes de la
côte de Cœré, Pyrgi [près Santa Severa ] et Alsion [près de Palo ]. L’origine hellénique de ces villes se révèle en outre
dans l’appareil architectural des murailles de Pyrgi, lequel est absolument
différent des systèmes cœritique, et surtout étrusque. L’Æthalia, l’île
du feu , a probablement joué tout d’abord un rôle dans ce mouvement
maritime. Ses riches mines de cuivre et de fer rappelèrent l’affluence des
étrangers, et y constituèrent un centre commercial entre eux et les indigènes :
car, sans commerce avec la terre ferme, cette île étroite et non boisée, n’aurait
pu fournir le combustible nécessaire à la fonte des minerais. Les Grecs enfin
ont peut-être connu et exploité les mines d’argent de Populonia , situées
sur un promontoire, en face de l’île d’Elbe [ Piombino ].
En ces temps, on menait de front le commerce et la piraterie
sur terre et sur mer. Les nouveaux venus ne se firent, sans doute, nul scrupule
de piller et de brûler quand ils en trouvaient l’occasion, et d’emmener en
esclavage les habitants des contrées qu’il visitaient. Ceux-ci, de leur côté, exercèrent
de justes représailles. La légende, d’accord en cela avec la réalité, rapporte
que les Latins et les Tyrrhéniens surent se défendre avec énergie et succès. Les
Italiques, dans la région moyenne, repoussèrent vigoureusement les étrangers :
ils se maintinrent dans leurs villes et leurs havres, ou les reconquirent
promptement : et de plus, ils demeurèrent les maîtres des mers avoisinantes.
L’invasion hellénique, qui apportait l’oppression et la dénationalisation aux
races du Sud, n’a fait autre chose, contre le gré des envahisseurs eux-mêmes, que
d’enseigner les arts de la navigation et de la colonisation aux peuples latins
et toscans. On les vit alors échanger leurs radeaux et leurs bateaux infimes
contre
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