La chute de l'Empire Romain
heureuse du choix d’Athaulf. La horde − l’armée ou le peuple des Goths, dit maintenant Galla Placidia − se détourne de Ravenne.
On entre en Gaule.
Le pays a été ravagé par les légions rebelles de l’imposteur Constantin III, dont la tête a été tranchée, après qu’il eut été vaincu par le général Constance.
Mais les Gaulois subissent maintenant le pillage, les viols, les tueries, les saccages, les incendies que provoquent les Wisigoths d’Athaulf.
Et Galla Placidia reste impassible.
Athaulf veut donner à son peuple un territoire qui mettrait fin à son errance nomade.
Il s’empare de Toulouse et de Bordeaux.
« Quand tout l’Océan aurait inondé les Gaules, dit un chroniqueur gaulois, il n’y aurait pas fait de si horribles ravages. »
Et trente ans plus tard, Galla Placidia écoute les textes écrits par le Bordelais Paulin de Pella, par le chroniqueur Orose, et d’autres témoins.
Elle ferme les yeux, elle se souvient. Elle n’avait pas tenté de retenir le peuple d’Athaulf.
« Les Barbares font de nous une cruelle boucherie », dit un Gaulois.
C’était le prix, la rançon pour que renaisse l’Empire.
« Athaulf donna l’ordre aux Goths de sortir de cette ville de Bordeaux où ils avaient été reçus en amis, écrit Paulin de Pella. Mais ils nous traitèrent selon les lois de la guerre, en peuple conquis et après avoir cruellement désolé la ville, ils la brûlèrent. »
Galla Placidia se souvient sans remords.
Brûler, tuer, violer, piller, saccager, c’étaient les semailles qu’il fallait faire pour que reverdisse l’Empire de Rome !
« Je me trouvais à Bordeaux, continue Paulin de Pella, les Goths me dépouillèrent de tous mes biens, ainsi que ma mère ; ils crurent nous faire une grâce en ne nous retenant pas captifs et en nous permettant sans aucun châtiment de quitter Bordeaux avec toutes les compagnes et les servantes qui avaient suivi notre fortune. »
À l’automne de l’an 413, l’armée d’Athaulf s’empare de Narbonne. La ville a ouvert ses portes, non par crainte ou lâcheté mais parce que la présence de Galla Placidia, l’annonce de son prochain mariage avec le roi goth rassurent.
On entoure, on flatte, on admire Galla Placidia, la fille de l’empereur Théodose le Grand.
Elle se souvient de l’accueil empressé des riches notables de Narbonne. Des chants et des danses. Elle voit venir vers elle Priscus Attale, qu’elle avait méprisé, qu’Alaric avait humilié, mais qui, en rhéteur, compose des discours, des éloges à la gloire de Galla Placidia et d’Athaulf.
En janvier 414, Attale est le maître des cérémonies. Les noces sont célébrées − raconte le poète et chroniqueur Olympiodore − dans la vaste demeure d’Ingénius, l’un des citoyens les plus éminents de Narbonne.
« Galla Placidia, vêtue comme une impératrice, est assise dans une salle décorée à la romaine, et près d’elle se tient Athaulf, portant un manteau et les insignes de général romain.
« En plus de nombreux cadeaux, Athaulf dédie à Galla Placidia cinquante beaux jeunes hommes, vêtus de tuniques en soie, laissant voir leurs cuisses et leurs mollets musclés. Chacun d’eux porte des plateaux remplis d’or et de pierres précieuses.
« Le roi barbare offre ainsi à la sœur de l’empereur d’Occident, Honorius, le fruit du pillage de Rome.
« Puis on chante des hymnes nuptiaux. Et c’est Priscus Attale qui entonne le premier… »
Galla Placidia se souvient de la joie et de la fierté qu’elle avait éprouvées.
Elle avait pensé être enfin parvenue à effacer l’humiliation et le pillage subis par Rome.
Athaulf, chaque fois qu’un adolescent déposait ses plateaux devant Galla Placidia, tendait la main vers elle, comme s’il faisait hommage et allégeance à la fille de l’empereur Théodose, dont par ce mariage il était devenu le gendre.
Et Galla Placidia écoute trente ans plus tard le témoignage d’un Narbonnais tel que le rapporte Orose :
« Athaulf avait voulu d’abord, disait-il, effacer le nom romain, faire que ce qui était romain devînt goth, devenir lui-même ce qu’avait été autrefois César Auguste.
« Puis il avait rencontré, observé Galla Placidia.
« Et il avait compris que la barbarie effrénée des Goths, leur sauvagerie ne pouvaient en aucune façon être acceptées par la fille de l’empereur Théodose.
« Il avait conclu qu’on ne pouvait supprimer
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