La Collection Kledermann
chambre et se rafraîchir ! Accompagnez-le, Plan-Crépin !
— Mais j’y vais, voyons ! protesta Aldo.
— Non. Toi tu restes où tu es ! Il faut que je te dise quelque chose. Vous m’excusez n’est-ce pas, Guy ?
Ce fut Adalbert qui se chargea de la réponse en déclarant qu’il y allait aussi. Resté face à sa grand-tante, Aldo la regarda presque sous le nez :
— C’est plutôt soudain, ce grand besoin de solitude à deux ? Qu’est-ce que vous mijotez, Tante Amélie ?
— Je ne mijote rien ! Ce serait davantage notre invité.
— Lui ? Qu’est-ce qui vous le fait dire ? Il est heureux comme tout d’être ici…
— Et de constater que tu vas beaucoup mieux. Il en éprouve même un soulagement !
— Vous parlez par énigmes maintenant ?
— Depuis le temps je le connais, peut-être mieux que toi ! Question d’âge… et d’expérience ! Évidemment il est heureux d’être ici et de nous revoir tous, toi en particulier, mais derrière tout ça, il y a un problème…
— Quel problème ?
— Je n’en sais rien mais ce dont je suis certaine c’est qu’il a quelque chose sur le cœur et que cela gâche une partie de sa joie !
Aldo ne répondit pas. D’un geste machinal, il prit une cigarette, l’alluma et alla vers une fenêtre ouvrant sur le parc Monceau.
— Il se pourrait que vous ayez raison, concéda-t-il. Il y a en effet comme un voile de tristesse dans ses yeux… J’aurais dû m’en rendre compte dès son arrivée… comme je l’aurais fait avant cet… accident ! lâcha-t-il mécontent.
— On donne dans les extrêmes maintenant ! Non, tu n’es pas en train de devenir gâteux, là !
— Vous avez de ces mots !
Il la regarda, eut un rire bref :
— Ils ont au moins l’avantage de vous remettre les idées en place. Quant à Guy on va lui faire lâcher sa mauvaise nouvelle, et sans tarder, sinon il ne digérera pas son déjeuner et Eulalie se mettra en grève !
Effectivement, à peine avait-on pris place autour de la table ronde que, laissant tout juste le temps à son vieil ami de déplier sa serviette, Aldo entamait le dialogue :
— Et si vous nous racontiez à présent ce qui vous tourmente tellement, mon cher Guy ? Je crois que vous vous sentirez mieux après !
L’interpellé se figea tandis que son regard surpris faisait le tour de la table – où deux autres l’étaient autant que lui ! – et revenait à Aldo :
— Comment avez-vous deviné ?
— Pas moi, mais Tante Amélie ! Rien ne lui échappe… et elle m’a prévenu pensant que cela ne pouvait concerner que moi ! Alors, allez-y ! Ensuite on pourra tous faire honneur aux petits chefs-d’œuvre d’Eulalie.
— Je voulais justement vous accorder encore cet agréable instant de rémission…
— C’est si grave que ça ?
— Oui… mais, après tout, il ne sert à rien d’atermoyer. Alors voilà : la princesse Lisa demande le divorce !
Un silence accueillit ces paroles, seulement troublé par le juron échappé à Cyprien qui apportait un plat et avait failli le laisser tomber. Pour sa part, M me de Sommières se contenta de poser sa main sur celle d’Aldo devenu soudain livide et la sentit se crisper.
— Elle n’a pas le droit. Le divorce n’existe pas en Italie.
— Mais il existe en Suisse et elle bénéficie de la double nationalité, dit Guy en sortant de sa poche une enveloppe. La requête est formulée devant le tribunal de Zurich !… et pourrait peut-être trouver un accommodement avec la justice italienne à condition qu’elle ne se remarie pas… et moyennant finances. Quand on en possède les moyens on peut venir à bout de n’importe quelle loi… surtout dans l’Italie fasciste !
— Vous n’oubliez qu’une chose, rugit la vieille fille : elle est née catholique, mariée devant Dieu, et là il n’y a pas d’accommodement, sauf si elle demandait l’annulation en Cour de Rome. Nantie de trois enfants elle devrait avoir du mal. Sans compter qu’elle se couvrirait de ridicule !
— Oh, elle a trouvé la parade… Elle pourrait se convertir au protestantisme.
Un silence consterné s’ensuivit, mélangé de stupeur et d’incrédulité.
— J’ai peine à croire que sa famille accepte ça ! Passe encore pour son père dont j’ignore la profondeur des convictions. En revanche, jamais sa grand-mère ne le supporterait. Valérie von Adlerstein est profondément croyante. Elle adore sa petite-fille mais pas au point d’accepter une abjuration…
— Ils ne sont sans
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