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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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déjà arrivées. Puis, se retournant vers les barons, il
leur demanda de prononcer leur sentence. L’un d’eux s’avança et allait prendre
la parole quand on entendit une grande rumeur du côté des portes de la cité. On
voyait en effet une jeune femme montée sur un cheval blanc, et tous ceux qui l’aperçurent
convinrent qu’ils n’avaient jamais vu une telle beauté. Sa monture était en effet
un palefroi d’une finesse extraordinaire, et son harnachement était digne du
plus grand des rois de la terre. La femme elle-même était vêtue d’une robe
blanche lacée sur les deux flancs par des fils de soie. Elle avait le corps
élancé, la hanche basse, le cou plus blanc que la neige sur la branche, le
visage clair et les yeux rayonnants, la bouche vermeille et le nez bien droit, les
sourcils bruns, le front dégagé, la chevelure bouclée et ondoyante : des
fils d’or auraient moins resplendi que ses cheveux sous le soleil. Elle portait
aussi un manteau de pourpre sombre et en avait rejeté les pans derrière elle. Sur
son poing, elle tenait un épervier, et un lévrier la suivait. Un page d’allure
charmante chevauchait à sa droite en portant un cor d’ivoire. Ils allaient
tranquillement au petit trot, et, sur leur passage, petits et grands, vieillards
et enfants, tous manifestaient leur admiration.
    Yvain s’en alla encore une fois trouver Lanval. « Compagnon,
lui dit-il, en voici une qui arrive toute seule, qui n’est ni brune ni blonde
mais sur qui s’épanouissent toutes les beautés du monde ! Est-ce ton amie ? »
Lanval leva la tête et regarda la femme qui s’avançait ainsi. Il la reconnut et
son cœur faillit lui manquer. Mais, se reprenant rapidement, il s’écria :
« Sur ma foi, c’est bien elle, mon amie ! Je ne souffre plus, puisque
je la vois enfin. Et je ne veux plus mourir si elle m’accorde sa grâce. »
    La jeune femme entra dans le palais au milieu d’un grand silence.
Elle descendit de sa monture devant le roi. Elle laissa choir son manteau afin
que tous pussent mieux la voir. Arthur, émerveillé par sa beauté, se leva et la
salua avec déférence. Tous les barons firent de même et s’empressèrent pour la
servir. Elle marcha lentement au milieu des groupes, comme pour se faire
admirer, puis elle revint vers le roi. « Arthur, dit-elle, écoute-moi bien,
et vous tous, barons du royaume de l’île de Bretagne, prêtez attention à mes
paroles. Si vous voulez savoir qui je suis, je vous dirai seulement que je suis
la Fée des Brumes, et que je viens d’une terre lointaine où la tristesse et le
chagrin sont inconnus, où retentissent chaque jour et chaque nuit les musiques
les plus suaves, et où se répandent, dans tous les vergers, dans tous les
bosquets, des parfums comme vous n’en connaîtrez jamais. Et je suis venue jusqu’à
toi, roi Arthur, pour que tu ne commettes point d’injustice. J’ai aimé un de
tes vassaux. Le voici, c’est Lanval. Il a été accusé devant ta cour et je ne
veux pas qu’on tourne contre lui les paroles qu’il a dites. Sache ceci : la
reine Morgane a tort. Jamais Lanval ne l’a requise d’amour. Quant à la
vantardise qu’il a faite, si, par ma présence, il peut en être acquitté, c’est
à vous, barons, d’en juger. »
    Le roi se tourna vers les barons. Un murmure s’éleva dans l’assistance.
« Chevaliers, dit Arthur, qu’en pensez-vous ? Est-il vrai que l’amie
de Lanval éclipse par sa beauté toutes les autres femmes de ce royaume, y
compris ma femme la reine. Guenièvre et ma sœur la reine Morgane ? »
La réponse fut unanime. Il n’y eut personne pour contester que Lanval était pleinement
justifié. « Dans ce cas, dit encore le roi, Lanval est libre, et je lui
rends toute ma confiance ! »
    La jeune femme salua Arthur et les barons et remonta sur son
palefroi blanc. Arthur eut beau la presser de rester, elle dit simplement qu’elle
ne le pouvait pas et qu’elle devait rejoindre son pays dans les plus brefs
délais. Elle fit faire demi-tour à son cheval et, lentement, suivie par les
quatre jeunes filles qui avaient elles-mêmes repris leurs montures, elle s’éloigna
au milieu de la foule et gagna la grande porte de Carduel. Et dès qu’elle eut
franchi cette porte, une brume épaisse monta du sol et se répandit autour des
murailles.
    Hors de la salle, on avait dressé un grand montoir de marbre
gris où les hommes d’armes pouvaient se mettre facilement en selle

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