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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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dit,
Monsieur. »
    Il me salua de la tête et
allait partir quand je repris : « Puis-je vous demander autre chose,
Monsieur ? Au sujet du tableau. »
    Il s’arrêta dans l’embrasure de
la porte. « De quoi s’agit-il ?
    — Quand vous avez regardé
dans la chambre noire, ça vous a dit de retirer la carte du tableau ?
    — Oui, c’est exact. »
Il guettait ma réaction, comme la cigogne qui a repéré un poisson. « Ça
vous plaît maintenant que la carte n’est plus là ?
    — C’est à l’avantage du
tableau. » Je ne me serais pas crue capable de dire une chose pareille,
mais le danger qui menaçait ma famille me rendait téméraire.
    En voyant son sourire, je me
cramponnai à mon balai.
     
    *
     
    Je n’arrivais plus à faire du
bon travail. Je me préoccupais davantage du sort de ma famille que de la
propreté des dalles ou de la blancheur des draps. Si jusqu’ici personne n’avait
paru remarquer mes talents ménagers, désormais tout le monde constatait ma
négligence. Lisbeth se plaignait de taches sur son tablier. Tanneke me
reprochait même la poussière quand je balayais. Catharina se mit plusieurs fois
en colère contre moi pour avoir oublié de repasser les manches de sa chemise,
pour avoir acheté de la morue au lieu de hareng, pour avoir laissé le feu
s’éteindre…
    « Du calme, ma
fille », marmonnait Maria Thins quand elle me croisait dans le couloir.
    Il n’y avait que dans l’atelier
où j’arrivais à faire le ménage comme avant, avec la précision qui lui était
nécessaire.
    En ce premier dimanche où je ne
reçus pas la permission de rentrer chez nous, je me sentis très
perturbée : je ne pouvais me rendre à notre église située dans le
quartier, car elle était en quarantaine, et ne voulais pas non plus rester chez
eux, car, quoi que fassent les catholiques le dimanche, je n’avais aucune envie
d’être des leurs.
    Ils se rendirent en famille à
l’église des Jésuites, à l’angle de Molenpoort. Les filles avaient mis leurs belles robes, Tanneke elle-même avait
revêtu sa robe de laine beige, c’est elle qui portait Johannes. Catharina
avançait avec peine, se tenant au bras de
son époux. Maria Thins ferma la porte à clef. Ils disparurent au coin de la
rue, je me retrou vai donc devant la maison me demandant ce que je
pourrais faire. Les cloches de la tour de la Nouvelle-Église sonnèrent l’heure.
    C’est là que j’ai été baptisée,
pensai-je, on me laissera sûrement entrer pour le service.
    Je me glissai dans cet imposant
édifice, telle la souris dans un palais. L’intérieur était sombre et frais, la
voûte que soutenaient des piliers ronds et lisses était si élevée que l’on
aurait pu la prendre pour le ciel. Derrière l’autel se trouvait la tombe en
marbre de Guillaume d’Orange. Je ne vis aucun visage connu, juste des fidèles
aux vêtements sobres, dont l’étoffe et la coupe étaient beaucoup plus raffinées
que ceux que je pourrais jamais porter. J’avais si peur que l’on ne vienne me
demander pourquoi j’étais là, que je me cachai derrière un pilier, d’où
j’entendais à peine le pasteur. Le service terminé, je m’éclipsai, sans donner
à personne le temps de s’approcher de moi. Je fis le tour de l’église et
regardai la maison sur l’autre rive du canal. La porte était toujours fermée.
Les offices des catholiques doivent être plus longs que les nôtres, me dis-je.
    J’allai aussi loin que je le
pus en direction de chez mes parents, ne m’arrêtant que lorsqu’une sentinelle
me barra le chemin. Le quartier semblait très calme.
    « Comment
ça va, par là-bas ? » demandai-je au soldat.
    Il haussa les épaules, mais ne
répondit pas. Il semblait avoir chaud avec son manteau et son chapeau, car il
faisait lourd et moite, même si le soleil ne brillait pas.
    « Y a-t-il une
liste ? De ceux qui sont morts ? » J’avais peine à prononcer ces
mots.
    « Pas
encore. »
    Cela ne m’étonna pas, la
publication des listes était toujours remise à plus tard et elles étaient, en
général, incomplètes. Mieux valait se fier à la rumeur publique.
« Sauriez-vous, par hasard… ? Oui, sauriez-vous Sijan le faïencier…
    — Je n’ai aucune nouvelle
de qui que ce soit. Il va falloir que vous attendiez. »
    Le soldat se détourna tandis
que d’autres s’approchaient de lui avec les mêmes questions.
    J’essayai de parler à un autre
soldat qui gardait l’accès à une autre rue. Le

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