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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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abîmes de malice, une méchanceté jusqu’alors latente mais qui, à présent, devenait active et lui avait fait imaginer une vengeance plus profonde qu’aucun mortel n’en exerça jamais. Se faire le seul ami qui inspire confiance, celui à qui l’on s’ouvre de tous les remords, les tourments, les angoisses, du repentir inefficace, du retour des mauvaises pensées repoussées en vain ! Toute cette souffrance de coupable cachée au monde qui, avec son cœur vaste, aurait eu pitié, aurait pardonné, se la faire révéler à lui qui n’aurait pas pitié, à lui qui ne pardonnerait pas ! Faire prodiguer tout ce sombre trésor en faveur de l’homme même qui ne pouvait rien rêver de mieux que pareille monnaie pour payer la dette de sa vengeance !
    Le recul, la réserve de sensitive du jeune pasteur avait tenu ce plan en échec. Roger Chillingworth inclinait cependant à être moins, sinon même tout aussi satisfait par la tournure que prenait l’affaire, par la solution que la Providence substituait à ses noirs desseins – se servant ainsi, peut-être, du vengeur et de sa victime pour ses propres fins ? et pardonnant alors qu’elle paraissait punir ? Le vieil homme ne se posait pas la question, il estimait qu’une révélation lui avait été accordée. Peu lui importait qu’elle vînt des régions célestes ou des autres. Grâce à elle, dans toutes ses relations à venir avec le Révérend Dimmesdale, ce ne serait plus la personne physique du jeune ministre du Seigneur, mais son âme la plus secrète qu’il aurait sous les yeux afin d’en pouvoir voir et comprendre tous les mouvements. Il devenait dès lors non plus un spectateur, mais un acteur important de la tragédie qui se jouait dans la conscience du malheureux pasteur. Le martyr était pour toujours sur le chevalet. Il suffisait de connaître le ressort qui mettait en action la machine, et le médecin, à présent, le connaissait bien. Lui plaisait-il de faire subitement tressaillir de terreur sa victime ? Comme au coup de baguette d’un magicien, voici que se dressait un fantôme – non, un millier de fantômes – affectant maintes formes, évoquant la mort ou, pis encore, la honte. Voici que ces ombres s’attroupaient autour du pasteur et le désignaient de leur index pointé contre sa poitrine !
    Tout ceci s’accomplissait avec une subtilité si parfaite que le Révérend Dimmesdale, tout en ayant constamment l’impression d’être la proie d’une influence mauvaise, ne pouvait arriver à en pénétrer la nature. À vrai dire, il regardait bien avec perplexité, crainte et même parfois haine, la silhouette difforme du vieux médecin. Les gestes, la démarche, l’habillement même du personnage lui étaient odieux. C’était la preuve implicite d’une antipathie plus profonde que le jeune pasteur n’était prêt à l’admettre. Comme il lui était impossible de donner une raison à pareils mouvements de méfiance, voire d’horreur, le Révérend Dimmesdale, conscient que le poison d’un endroit malade infectait toute la substance de son cœur, n’attribuait ces pressentiments à nulle autre cause. Il ignora la leçon qu’ils auraient dû lui apprendre et fit de son mieux pour les déraciner. Ne pouvant y parvenir, il n’en continua pas moins, par principe, ses rapports familiers avec le vieil homme et lui donna ainsi des occasions continuelles de parfaire – en pauvre égaré plus méprisable que sa victime – la vengeance à laquelle il s’était consacré.
    Tandis qu’il souffrait ainsi de maux physiques, qu’il était rongé, torturé par quelque sombre maladie de l’âme et livré aux machinations de son plus mortel ennemi, le Révérend Dimmesdale atteignait une brillante popularité dans son office sacré. Il la conquérait vraiment en grande partie par ses souffrances. Ses dons intellectuels, sa finesse morale, son pouvoir de ressentir et de communiquer l’émotion étaient maintenus en état de surnaturelle activité par les angoisses de sa vie quotidienne. Sa gloire, bien que cheminant encore sur le versant de la montée, n’en obscurcissait pas moins déjà les réputations de ses confrères pour éminents que certains d’entre eux fussent. Il se trouvait, en effet, dans la sainte corporation, des savants qui avaient passé plus d’années à acquérir une science abstruse en rapport avec leur profession que le Révérend Dimmesdale n’en comptait en âge. Il s’y trouvait aussi des hommes

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