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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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prendre. Ne piaffe pas d’impatience trop tôt.
    Ã‰douard choisit de présenter sa meilleure figure. Avec un enthousiasme de marchand flairant la bonne affaire, il s’exclama :
    â€” Je me montrerai digne de ta confiance. Tu pourras jouir enfin de la vie, avec Élisabeth.
    â€” Je n’en doute pas, enchaîna Thomas sur le même ton.
    Cette perspective arrivait presque à le réconcilier avec sa future existence.
    â€” Prends le reste de la journée pour mettre de l’ordre dans ton département, je ferai de même ici. Nous réglerons les problèmes pratiques à mon retour… et nous discuterons alors de ta nouvelle rémunération.
    â€” Je craignais de ne jamais te voir aborder le sujet, répondit-il, en riant.
    Le jeune homme se leva en même temps que son père, se laissa accompagner vers la porte. Au moment où il sortait, Thomas lui tendit la main en disant :
    â€” Tu prendras le gouvernail demain matin.
    â€” Ne crains rien, le navire sera entre bonnes mains.
    Le propriétaire s’enferma dans son bureau, soucieux de s’isoler un peu afin de donner libre cours à sa morosité. Dans l’antichambre, le secrétaire leva les yeux de son dactylographe pour demander :
    â€” Monsieur Picard va s’absenter, je crois? Pour des vacances, je suppose.
    â€” Oui, pendant deux semaines. Mais il vient de me donner la direction du magasin. Après tout, mieux vaut se retirer avec encore de nombreuses années devant lui pour jouir de l’existence.
    Sur ces mots, le jeune homme montra toutes ses dents dans un sourire de carnassier, puis il quitta les lieux.
    â€” … Je vous félicite, monsieur Picard.
    La voix, devenue empressée, du secrétaire s’adressait au dos qui s’éloignait.
    Le « monsieur Édouard » disparaissait. L’homme venait de perdre sa zone de confort.
    * * *
    Françoise n’hésitait plus à s’avancer vers les clientes en demandant, son meilleur sourire aux lèvres :
    â€” Puis-je vous aider?
    Une légère timidité marquait sa voix. Cela lui valait toujours, quelle que soit la réponse exprimée, la plus grande gentillesse.
    En ce moment, les pensées de la jeune femme allaient vers sa sœur cadette. Tard en juin, tous les élèves de la province s’angoissaient à l’idée d’affronter les examens de fin d’année. Au moins, ils pouvaient se consoler, les classes prendraient fin dès le lendemain pour les grandes vacances.
    â€” Amélie frémit d’impatience : sa scolarité touche à sa fin. Tu imagines, elle a vécu ses années de pensionnat comme une longue peine de prison.
    Marie rendit la monnaie à une cliente avant de répondre :
    â€” Je la soupçonne d’avoir joué à la pauvre recluse pour attirer notre attention, tout en passant son temps chez les ursulines à cultiver des amitiés pour la vie et à se moquer gentiment des religieuses.
    â€” … Cela se peut bien. Sa mine dépitée amenait papa à effectuer avec une rigoureuse exactitude sa visite hebdomadaire au monastère.
    Découvrir en sa petite sœur une habile manipulatrice ne heurtait pas la sensibilité de Françoise outre mesure. Elle accueillait cette compétence bien féminine avec un sourire complice.
    â€” Elle t’incitait aussi à la visiter avec la même fidélité, souligna Marie avec amusement.
    Tout en discutant, toutes les deux surveillaient les consommatrices allant et venant entre les présentoirs. La belle saison entraînait une nouvelle affluence. Les élégantes trouvaient chez ALFRED des robes légères, de cotonnade et de crêpe, dans des teintes pastel, des gants de dentelle, des chapeaux de paille, certains avec de larges bords afin de protéger le visage d’un hâle inopportun et d’autres en forme de cloche. Françoise alla aider une cliente, commentant, en revenant vers la caisse :
    â€” Nous allons rester avec ce lot d’ombrelles sur les bras. Ce n’est plus la mode.
    â€” Alors, nous annoncerons une réduction dans notre prochaine publicité dans Le Soleil , avec l’espoir que des élégantes d’hier, pleines de nostalgie, viennent nous en débarrasser.
    Les changements de la mode vestimentaire suivaient ceux de la société. Employées en nombre croissant

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