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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de même, le commerçant perdait un peu de sa propension à voir la vie en noir. Sa condition s’améliorait, il se permettait de passer de longues journées avec la plus jolie femme de la ville. L’avenir paraissait de nouveau souriant.
    â€” Viens ici, au lieu de jouer à la maman avec moi.
    Il écarta son bras droit de son corps. Élisabeth regarda tout autour, ne constata la présence d’aucun espion. Elle s’étendit finalement contre lui sur la couverture, posa la tête au creux de son épaule, la main sur sa poitrine.
    â€” Tu vois, juste pour continuer de vivre cela, je suis prêt à maigrir au point d’avoir la peau du ventre collé à celle du dos.
    â€” Mais tu as encore beaucoup de chemin à faire.
    En même temps, elle lui pinça le flanc. Tout de même, elle reçut ces mots comme une fort jolie déclaration d’amour.

4
    Ã‰velyne avait accueilli avec plaisir la nouvelle de l’expédition à la campagne de ses beaux-parents. Sans tarder, elle avait téléphoné à sa belle-sœur Eugénie afin de décommander le dîner dominical qui les réunissait deux fois par mois, plaidant des « obligations familiales ».
    Pourtant, au retour de la messe, la morosité de son époux gâcha un peu son bonheur. Seuls dans la salle à manger, de part et d’autre de la grande table, elle mesura combien ils avaient peu à se dire. Pendant tout le premier service, la conversation se limita à des monosyllabes. À l’arrivée du second, elle demanda :
    â€” Hier, tu as mis toute la journée pour aller à Saint-Paul-de-Montmagny et en revenir?
    â€” En automobile, cela représente une jolie performance. Heureusement, je n’ai subi qu’une seule crevaison, au retour.
    â€” Les gens ont-ils vraiment envahi l’édifice municipal pour voler les fiches?
    â€” Et les brûler ensuite dans un petit parc. Tu le sais bien, tu étais là quand j’ai tout raconté à papa.
    Cela faisait partie de son malheur : Édouard s’adressait à ses parents, jamais à son épouse. Bavard pendant les repas ou installé dans le salon avec eux, un verre à la main, son compagnon devenait silencieux, ou du moins bien discret, au moment de monter dans la chambre avec elle. Après un silence, elle prit sur elle d’essayer de relancer la conversation :
    â€” Tu parais satisfait de la façon dont les choses évoluent au magasin.
    â€” Il y a encore de la place pour l’amélioration. Les chefs des rayons n’ont pas encore compris que mon père entend se décharger sur moi de certaines de ses responsabilités. Certains ont osé me répondre, au moment où je demandais des comptes : « Je verrai cela au retour de monsieur Picard.» Pour eux, le vieux a pris ses vacances annuelles un peu plus tôt que d’habitude. Ils entendent reprendre bien vite leur vieille routine.
    â€” Ils comprendront, maintenant.
    Pendant deux semaines, le jeune homme avait craint une volte-face de son père, au moment de son retour. Heureusement, Élisabeth paraissait très déterminée à le garder loin du magasin. Une fois encore, sa jolie belle-mère devenait sa principale alliée.
    â€” Mais ce sera long, nuança-t-il. Pour eux, il y a monsieur Picard, et monsieur Édouard. Aussi longtemps que le premier ne sera pas un peu oublié, je continuerai d’être désigné par mon prénom.
    Elle exprima sa compréhension d’un signe de la tête. Son frère, avocat comme son père, vivait exactement la même situation. L’un comme l’autre s’exposerait encore, le jour de ses soixante ans, à voir son nom être précédé des mots « le jeune ».
    â€” Enfin, papa doit me parler demain de ma nouvelle rémunération. Je mesurerai alors la véritable étendue de son sérieux.
    â€” Nous n’avons besoin de rien, ici…
    Ã‰velyne désigna la vaste maison d’un geste de la main.
    â€” Sauf d’une maison bien à nous, grommela Édouard. Une bouffée de bonheur envahit la jeune femme. Vivre chez elle, seule avec son mari et son fils! Elle n’aspirait à rien d’autre.
    â€” Bien sûr, à court terme, ce serait ridicule, continua l’homme. Les prix sont tellement exagérés. Mais au moins, si la

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