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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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merci.
    â€” Je nous imagine mal profiter d’une boisson plus… virile au milieu de la foule.
    Autour d’eux, plusieurs centaines de personnes, des hommes ou des jeunes garçons, s’installaient aussi. À en juger par leur apparence, la plupart d’entre eux étaient des travailleurs manuels embauchés par les ateliers ou les manufactures des alentours.
    â€” Cette épouvantable prohibition nous rendra tous fous, protesta Édouard.
    â€” Mais tous ces gens autour de nous ont voté en sa faveur. Tu te souviens très bien des résultats : un vote quasi unanime, à de rares exceptions près.
    â€” Avec les curés qui leur murmuraient à chaque visite au confessionnal comment voter lors du plébiscite. On appelle cela une « influence indue ».
    â€” Si tu veux aller devant les tribunaux avec des arguments de ce genre, bonne chance.
    Pour tout commerçant, mettre en doute le rôle de l’Église catholique entraînait une ruine immédiate. Louis Lavigueur enchaîna, après un silence :
    â€” Puis, toutes ces personnes ne sont pas si influençables. Elles obéissent aux directives qui leur conviennent, puis ignorent les autres.
    â€” Crois-tu que ces gens sont tous heureux de se passer d’une bière?
    â€” Au moment du plébiscite, ils devaient penser pouvoir le faire sans mal. Quand ils seront sûrs du contraire, la prohibition sera levée.
    Lavigueur parlait d’une voix posée, raisonnable. Édouard mesurait combien leur destinée respective se ressemblait : leurs pères se passionnaient pour les activités du Parti libéral et chacun d’eux hériterait éventuellement d’une maison de commerce prospère.
    â€” Comment se déroulent les choses avec ton père? demanda Édouard, changeant brutalement de sujet.
    â€” … Pardon?
    â€” Je veux dire en ce qui concerne les affaires. Travailler pour lui ne te paraît pas trop difficile?
    L’intrusion dans sa vie privée laissa le jeune homme un moment sans voix. Son compagnon tenta de se rendre plus explicite.
    â€” Pendant des années, j’ai administré un rayon dans le magasin. Mon père m’a fait passer de l’un à l’autre, sous prétexte de me préparer à prendre sa succession. Je me sens un peu comme un chien tenu en laisse.
    â€” Bien sûr, comme nous travaillons tous les deux dans l’entreprise familiale, nous demeurons en tutelle plus longtemps que nécessaire. Toutefois, c’est certainement mieux que de monter une affaire de toutes pièces. Notre situation présente de sérieux avantages.
    Les deux hommes s’interrompirent au moment où les membres des Rock City, l’équipe de baseball locale, apparaissaient sur le terrain. Ce fut ensuite le tour des visiteurs, des joueurs venus de Burlington pour l’occasion.
    â€” Bien sûr, mais cela risque de durer longtemps, évoqua Édouard. Au moment de mon mariage, papa m’a donné un peu plus de responsabilité. Cela demeurait toutefois bien insuffisant pour me contenter. Enfin, jusqu’à présent. Aujourd’hui, il a fait de moi le directeur du magasin.
    Toute la longue entrée en matière ne visait qu’à lui donner l’occasion de se vanter de sa bonne fortune. Le jeune homme aurait voulu crier la nouvelle depuis le monticule du lanceur, au milieu du losange.
    â€” Directeur? Cela veut dire quoi, exactement?
    â€” Diriger les opérations courantes, un peu comme le fait Fulgence Létourneau pour les ateliers de confection.
    â€” Mais il ne te laisse pas l’entière liberté d’action.
    Maintenant, un peu de jalousie pointait dans la voix de Louis Lavigueur.
    â€” Non, il demeure le président des entreprises PICARD. La gestion quotidienne du magasin me revient toutefois.
    Le lendemain, la nouvelle aurait fait le tour des commerces de la rue Saint-Joseph, soulevant l’envie de la génération des héritiers présomptifs.
    â€” Au fond, rétorqua Lavigueur, cela ressemble fort à ma situation. J’ai les coudées à peu près franches dans le magasin de la Basse-Ville. Mon père n’y vient pas plus d’une fois par mois et il regarde les livres de comptes encore moins souvent.
    Â«Â Mais ce magasin d’instruments de musique emploie deux commis-vendeurs, songea Édouard. Le plus petit

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