La Part De L'Autre
vivre, eux aussi, mais le roi
avait raison d'exiger leur sacrifice. Je crois être moi aussi,
Adolf Hitler, en droit de demander à tout soldat allemand
d'offrir sa vie.
Je
ne peux pas demander à mes hommes de se sacrifier.
Vous
manquez de recul, général. Vous devriez prendre un peu
de distance. Croyez-moi, les situations sont plus claires lorsqu'on
les examine de loin.
A
la chancellerie, on ne jouait plus que la valse des généraux.
Comme il fallait s'y attendre, l'accord de papier entre Staline et
Hitler n'avait pas résisté longtemps à
l’inimitié qu'ils se portaient. La guerre faisait rage.
Devant la résistance russe et les difficultés à
se faire obéir Hitler limogeait ses généraux
l'un après T autre. Förster, Sponeck, Hoepner, Strauss…,
Comme les destituer ne suffisait pas à leur faire entendre
raison, Reichenau trouva une mort soudaine et Sponeck fut condamné
à mort.
Ces
imbéciles vont me transformer en Napoléon si je les
laisse faire ! Pas de retraite ! Pas de recul ! L'hiver est aussi dur
en Allemagne qu'en Russie.
Hitler
avait d'abord cru que deux semaines suffiraient pour envahir la
Russie. Mais le colosse soviétique avait tenu tout l'été
puis regagné du terrain pendant l'hiver
Le
Führer ne quittait plus la Tanière du Loup, un ensemble
de bunkers dissimulés dans les bois lugubres de
Prusse-Orientale. Au milieu de cette terre étrillée par
les vents polaires, entre les carcasses de pierres noires et les
arbres tordus qui grimaçaient sur la neige, Hitler avait
changé. Son corps trahissait les défaites qu'il venait
d'encaisser. Ses gestes devenaient difficiles, douloureux, sa peau
grisaillait, ses paupières semblaient avoir du mal à
supporter sans congestion le poids d'yeux trop humides dont la cornée
avait jauni il digérait encore plus difficilement et son
haleine dégageait une angoisse fétide. Il était
devenu vieux d'un seul coup, mais vieux comme on ne peut le devenir
qu'à cinquante ans, lorsque la vie inflige des coups, vieux
par boursouflure plus que par dessèchement, vieux par
démission plus que par âge, vieux parce qu’
pourrissait plus qu'il ne mûrissait, vieux de cette vieillesse
turgescente qui est une maladie d'homme jeune.
L'Allemagne
avait à présent le Japon à ses côtés
mais les Etats-Unis contre elle. Hitler avait beau mépriser
les Etats-Unis, il ne savait pas comme les vaincre. S'il ne trouvait
pas le moyen d'enfoncer sans délai la Russie, il soupçonnait
qu'il allait perdre la guerre.
Silences
abattus et monologues enflammés alternaient dans son
comportement mais lui-même percevait, lorsqu'il soliloquait,
qu'il répétait les grands discours d'avant, qu'il
commençait à se mimer de façon grotesque. Il
avait soif d'action et se trouvait englué dans une guerre trop
longue devenue mondiale.
Cent
fois, il avait cherché des issues de secours. Il avait même
tendu discrètement la main à l'Angleterre pour lui
proposer de cesser le combat et de se partager l'Europe avec elle.
Mais Londres avait fait la sourde oreille. A
cause de ce Churchill, ce parlementaire vendu à la juiverie
mondiale, ce peintre du dimanche ! Les
sarcasmes du peintre raté Hitler envers le peintre amateur
Churchill visaient surtout à dissimuler le respect. Churchill
était devenu le seul adversaire valable qu'Hitler se
reconnaissait depuis des années, mais il aurait crevé
la gueule ouverte plutôt que de l'avouer. Et l'obstination que
venait de mettre Churchill à ne pas entendre ses propositions
avait attisé sa haine. Ce
pauvre Rudolf Hess qui croupit au fond d'une prison britannique... Cela,
Hitler le pensait in
petto, mais
officiellement il ne parlait de Rudolf Hess que comme d'un traître
qui, par son acte de folie, l'avait déçu au plus haut
point.
Qu'avait
fait Rudolf Hess, le fidèle soutien des premiers jours,
celui-là même à qui Hitler, en 1924, dans sa
prison, avait dicté Mon
combat ?
L'ancien pilote devenu ministre avait dérobé un
Messerschmitt 110 bourré de carburant et s'était envolé
pour l'Angleterre où il avait rejoint les terres du duc
Hamilton, un des chefs du parti conservateur à la Chambre des
lords, grand partisan de la conciliation avec l'Allemagne. Après
avoir atterri, il avait demandé à rencontrer Churchill
pour proposer un traité de paix. Celui-ci sans même
l'écouter, l'avait fait disparaître au fond d'un cachot.
Tout
le monde pensait, en Allemagne comme en Angleterre, qu'il s'était
agi d'une
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