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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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leur permettrait de prendre en enfilade Sant’Angelo et le Borgo avec les canons de leurs navires depuis le Grand Port. Comme l’ingénieur en chef turc avait attesté que le petit fortin était faible et tomberait en moins d’une semaine, le conseil avait conclu que leur prochain assaut devait porter sur Saint-Elme.
     
    LE RÉCIT DE NICODEMUS sema la consternation. Il y avait quelque huit cents hommes stationnés à Saint-Elme, des troupes d’élite comprenant un tiers des soldats bien entraînés et des chevaliers dont disposait La Valette. On avança des arguments pour l’évacuation et la destruction du fortin. D’autres pour la résistance symbolique d’une équipe réduite pour sauver l’honneur. D’autres encore pour qu’on y envoie immédiatement des renforts. Mais nul ne remettait en question que le fortin tomberait fatalement.
    La Valette se tourna vers Tannhauser. « Capitaine Tannhauser, qu’en dites-vous ? »
    Tannhauser renifla. « Le mieux que puissent offrir vos hommes, c’est une semaine de résistance ? »
    Certains des grands frémirent sous l’offense, mais La Valette les calma d’un geste de la main.
    Tannhauser poursuivit. « Si c’est comme ça, évacuez-les maintenant. Cela fournirait à Mustapha une victoire qui réchaufferait les sangs de ses gazi, chose qu’il serait sage d’éviter. »
    La Valette acquiesça, comme si cela reflétait ses propres vues. « Alors, dites-moi combien de jours de résistance changeraient leur victoire en humiliation ?
    – Ils ne s’abaisseront jamais à l’humiliation. Est-ce que la consternation suffirait ?
    – La consternation suffirait, oui. »
    Tannhauser réfléchit. Entre autres prodigalités, la guerre exigeait que les arts des mathématiques, des augures et de la lecture des pensées humaines soient élevés à leur plus haut degré. Temps, matériel, hommes, moral, cadavres. C’était une algèbre qui ne pouvait être tentée qu’en tripotant les entrailles d’un homme, et d’un homme au courage ballotté dans des éternités de violence et de peur.
    Tannhauser choisit un but qu’il pensait impossible. « Trois semaines. »
    La Valette serra les lèvres et leva les yeux. En l’observant, Tannhauser se remémora que le courage de La Valette pouvait être jugé à l’aune du siège de Rhodes. Même chez les janissaires, la férocité primitive de Rhodes demeurait légendaire quarante ans plus tard. À Rhodes, disaient-ils, les survivants affamés de la Religion étaient sortis de trous dans la neige comme des monstres dont la seule nourriture était le sang humain. La Valette semblait plongé dans une vision apocalyptique connue de lui seul. Il baissa les yeux et dit : « Ce sera donc vingt et un jours. »
    Avant que des objections ne s’élèvent, Le Mas prit la parole. « Excellence, mes hommes et moi sommes prêts à tenir votre promesse. Le poste d’honneur. »
    Le poste d’honneur était le poste de la mort certaine et Tannhauser sentit sa gorge se serrer. Il aimait bien Le Mas avec qui il avait passé à l’Oracle quelques nuits mouvementées et bien peu monastiques. Tandis que les chefs des différentes langues se disputaient l’honneur de cette position, Tannhauser réprima une soudaine envie de se joindre à eux. C’était une compagnie bien dangereuse.
    « J’ai vu le train d’artillerie de siège des Turcs, dit-il. Il est énorme. »
    Le chœur de l’abnégation s’interrompit soudain.
    « Une douzaine de couleuvrines de quatre-vingts livres, des basilics qui tirent des pierres de trois cents livres, des quarante livres par vingtaines. Et Torghoud va apporter une batterie de siège personnelle.
    – Torghoud est attendu ? demanda Le Mas.
    – D’un jour à l’autre », répliqua Tannhauser.
    Le Mas se tourna vers La Valette. « Alors je réitère et redouble ma revendication. Le poste d’honneur.
    – Ils vont réduire Saint-Elme à un tas de graviers, dit Tannhauser.
    – Par la grâce de Dieu, dit La Valette, Saint-Elme sera défendu jusqu’au dernier gravier.
    – Alors je ne chercherai pas à vous dissuader, dit Tannhauser, mais les Ottomans combattent avec la pioche autant qu’avec le sabre. Vous devrez faire de même. Le Borgo est plus faible que vous ne le pensez. »
    La Valette réprima un soupçon d’agacement. « Comment cela ? »
    Tannhauser désigna la carte étalée sur la table. « Avec votre

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