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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Il y avait des allées et venues suspectes du jeune Richelieu, de Fersen.
    Barnave ne prenait pas ces bruits au sérieux. La Fayette ayant franchement demandé au Roi lui-même ce qu’il en était avait reçu la réponse la plus nette, la plus rassurante. Le triumvirat faisait confiance à La Fayette, au monarque dont la bonne volonté s’affirmait chaque jour. Claude, sans oublier l’avis de l’homme aux lunettes à propos de La Fayette, faisait confiance au triumvirat qui représentait la dernière chance de la monarchie constitutionnelle. Le Roi n’était tout de même pas assez insensé pour ne le point comprendre, pour aller tout détruire par un acte extravagant. C’est ce que Claude répondit à son beau-frère.
    Le lendemain soir, 20 juin, sortant tous deux des Jacobins par un superbe clair de lune, comme ils s’en allaient par la rue Saint-Honoré avec Desmoulins et Danton, ils trouvèrent devant Saint-Roch le maître boucher Legendre arrivant trop tard pour la séance. Camille l’accueillit de loin par des plaisanteries sur ce sujet. Legendre mit aussitôt un terme à ces railleries amicales. « Je n’ai pu venir plus tôt, dit-il brièvement, il fallait pourtant que je t’avise, Danton : j’ai là une lettre où l’on m’annonce positivement pour cette nuit même le départ de la famille royale. »
    Louis Legendre, un des rares véritables « vainqueurs de la Bastille », avait été avec Danton le principal fondateur du club des Cordeliers. C’était un quadragénaire remuant, énergique, fort en gueule. Camille l’aimait beaucoup pour ses vertus patriotiques. Claude l’estimait. Néanmoins il haussa un peu les épaules.
    « Comme c’est vraisemblable ! dit-il. Si la Reine et le Roi voulaient partir cette nuit, ils se garderaient d’en avertir quiconque. Dès lors, comment le saurait-on ? Votre correspondant serait-il prophète ou devin, mon cher Legendre !
    — C’est en tout cas une personne très sûre, aux avis de laquelle on peut se fier. »
    Danton non plus ne semblait pas convaincu. Des avertissements de cette sorte, on en recevait tous les jours. « Hon, hon, fit Desmoulins, si les Capets et Capètes doivent… hon, hon… décamper, que ce soit cette nuit, demain ou la semaine prochaine, peu importe ! À tout prendre, c’est la meilleure occasion de passer en république. »
    Dubon lui demanda s’il imprimerait cela.
    « Pourquoi pas ! citoyen procureur, répondit-il. Puisqu’on ne veut pas faire le nécessaire pour les garder, il faut bien… bien prendre notre parti de leur contempler, un jour, les semelles.
    — Camille, mon enfant, dit Danton, sois sérieux. Allons voir un peu comment on veille, aux Tuileries.
    — Comment on veille ! Sois sérieux toi-même, mon ami. On… on ne veille point. Ne devrait-il pas y avoir des rondes dans toutes les rues, par ici, du crépuscule au matin ! En apercevez-vous une ? »
    Jusqu’à la rue de l’Échelle, ils ne rencontrèrent pas l’ombre d’une patrouille. Il était onze heures, il faisait chaud, pas le moindre vent ne balançait les réverbères sur leur corde. Leur lueur s’ajoutait à « l’obscure clarté », comme le dit Claude, de cette nuit laiteuse. Elle aurait rendu bien imprudente toute tentative d’évasion. On distinguait sans peine le visage des passants, nombreux encore. La Reine, le Roi surtout, eussent été infailliblement reconnus. De plus, sur la placette irrégulière où la rue de l’Échelle rejoignait celle du Carrousel, les uniformes bleus foisonnaient. Des piquets montaient la garde aux portes des communs et bâtiments secondaires du château. La place du Carrousel ressemblait à un camp militaire, les sectionnaires en armes renforçaient les gardes nationaux de La Fayette. Celui-ci, dans sa voiture, arrivait au moment où ses cinq collègues clubistes passaient devant la porte de la Cour royale.
    « Le général va, dit Camille persifleur, assister au coucher.
    — Ne le lui reprochons pas, observa Dubon, c’est une garantie pour nous.
    — À condition que La Fayette ne soit pas un traître. Or, j’en… j’en doute, j’en doute. »
    Les fenêtres du château brillaient de lumières. Le dôme central, les toits allongés des galeries et ceux des pavillons luisaient doucement sous la lune. « Nous n’avons rien à faire ici, dit Claude. Allons retrouver nos épouses. » Il souhaita le bonsoir à ses compagnons, et, traversant le Carrousel, entra dans la

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