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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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voir le jour quelque part dans l'océan Indien. Outre
Francisco Pelsaert lui-même, la chaloupe emportait aussi Hans Jacobsz, un
menuisier, et Claes Jansz, le chef trompette du Batavia.
    Ils arrivèrent en vue de la Terre Australe dès leur
premier jour de mer, l'après-midi du 8 juin. La côte était sinistre et
uniformément inhospitalière : plate, monotone, aride, dépourvue de toute
végétation et gardée par une ligne de falaises s'étendant à perte de vue, vers
le nord comme vers le sud 4 . D'énormes déferlantes venaient s'écraser
contre les brisants, rendant l'accostage extrêmement périlleux. La nuit
approchait et Jacobsz préféra s'éloigner du littoral.
    Il mit donc le cap vers le large et ne revint vers l'est
qu'après minuit. Aux abords de l'aube, ils arrivèrent à nouveau en vue de la
côte, ayant progressé de quelques kilomètres vers le nord. Le lever du soleil
leur révéla le même paysage de falaises et ils longèrent la côte toute la
journée vers le nord, sans trouver le moindre site d'accostage.
    En fait, Pelsaert et Jacobsz étaient tombés sur la portion
la plus désolée de la côte australienne. Depuis les Abrolhos de Houtman, le
rivage présente le même aspect hostile pendant plus de trois cent cinquante
kilomètres, jusqu'à ce qui est aujourd'hui Shark Bay. Les falaises s'élèvent
brusquement, culminant en certains points à plus de deux cents mètres. Il n'y a
pratiquement pas de sites d'accostage sûr et l'intérieur des terres est un
quasi-désert.
    Quelques décennies plus tard, Willem de Vla-mingh, un
autre navigateur hollandais, longea à son tour cette côte qu'il décrivit comme
un endroit infernal :
    « Ici, la côte est si désolée et si abrupte que l'on
croirait que le rivage a été découpé d'un coup de hache - ce qui rend tout
accostage presque impossible. Les vagues viennent s'y briser avec une telle
furie que l'on craint d'approcher, de peur de s'y trouver pris et disloqué - ce
qui nous est apparu comme un spectacle véritablement effroyable. »
    Les impressions de Pelsaert rejoignent celles de Vlamingh.
« Ces falaises, note-t-il, tombent très abruptement dans la mer, sans présenter
de laisse de mer ou de criques, comme on en trouve partout ailleurs. » Mais
pis, les terres qu'elles défendent sont uniformément désertiques : « Une terre
aride, maudite, dépourvue d'herbe ou de feuillage. » Et pas la moindre trace
d'eau.
    Pour ne rien arranger, un autre orage éclata le 8 juin au
soir et poussa la chaloupe vers la côte. Jacobsz et Pelsaert cherchaient un
site d'accostage, lorsque le vent d'ouest se leva, soufflant vers les falaises.
Pendant quelque temps, ils craignirent tous pour leur vie, mais le capitaine
parvint à les tirer de ce mauvais pas. Les timoniers durent cependant continuer
à batailler pied à pied pour maintenir la chaloupe à bonne distance de la côte.
Ils passèrent une nuit effroyable, à laquelle succéda une journée de lutte
contre une mer démontée.
    Au soir du deuxième jour, Jacobsz et ses matelots étaient
épuisés, trempés et transis, mais les rafales ne donnaient aucun signe
d'essoufflement - bien au contraire. Le vent se mit à souffler par bourrasques
du nord-ouest, soulevant une houle dangereuse qui venait claquer contre les
flancs du bateau et passait parfois par-dessus bord. La petite yole qu'ils
remorquaient s'était remplie d'eau et, à la tombée de la nuit, ils durent
larguer l'amarre qui la retenait à la chaloupe et écoper à toute vitesse. Ils étaient
si serrés que la place leur manquait pour travailler efficacement, et la
situation s'aggravait d'instant en instant. Jacobsz donna l'ordre de délester
la chaloupe des vivres et de l'équipement excédentaire. Ils ne gardèrent que le
strict nécessaire, dont deux barils d'eau douce.
    Débarrassée de ce surplus de poids, la chaloupe se souleva
un peu sur les flots et les matelots purent écoper plus à l'aise. La situation
s'améliora peu à peu et, le 11 au matin, la tempête se calma - mais les vagues
restaient tout aussi hautes. Un fort courant les entraînait vers le nord. Ils
se laissèrent ainsi dériver pendant trois jours, toujours en quête d'un point
d'accostage - mais sans succès. Enfin, au bout d'une semaine de mer, ils
atteignirent les vingt-quatre degrés de latitude sud. La chaloupe se trouvait à
près de cinq cents kilomètres des Abrolhos. Ils avaient parcouru environ un
sixième de la distance qui les séparait de Java, mais leurs

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