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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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autres mutins
à plusieurs titres : ils désignaient ceux qui devaient mourir, mais laissaient
Zevanck et Van Huyssen se charger des exécutions. Ils ne tuaient jamais de
leurs propres mains. Ils furent les seuls à se décerner de nouveaux titres -
Jeronimus prit celui de capitaine général des îles et Pietersz celui de
lieutenant général. Ils se parèrent aussitôt de splendides uniformes, seyant à
leur nouvelle dignité. Cornelisz, qui avait réquisitionné la garde-robe de
Pelsaert, ouvrit la voie en transformant les parures les plus grandioses du commandeur en une série d'uniformes d'opérette.
    « Il donna libre cours à son orgueil et à son arrogance
diabolique, lit-on dans le journal de bord. Ils abusèrent honteusement de tous
les biens de la Compagnie qu'ils avaient récupérés, en les transformant en
parures surchar-gées de passementeries. Cornelisz montrait l'exemple en
changeant plusieurs fois par jour son habit, ses bas de soie, ses jarretières
ornées de dentelles d'or, et il paradait avec ces atours qu'il avait usurpés.
Il donna en outre à tous ses hommes de confiance, c'est-à-dire ceux qui
montraient le plus grand zèle à tuer, des habits de laken rouge [un drap de laine fine], ornés d'une
ou plusieurs bandes de passementerie 16 .
Il alla jusqu'à créer une sorte de soutane d'un nouveau genre, comme s'il
croyait pouvoir jouir perpétuellement de ces plaisirs aussi vains que pervers.
»
    Les autres mutins s'empressèrent de l'imiter et de se vêtir
conformément à leur statut. L'ancien ordre hiérarchique en vigueur sous
l'autorité de la Compagnie n'avait pas totalement disparu sur l'île, puisque
les commis et les cadets semblaient y jouir d'un traitement privilégié par
rapport au commun des marins et des soldats. Mais, même parmi le tout venant
des mutins, certains semblaient plus « égaux » que d'autres. Les hommes sur
lesquels le capitaine général savait pouvoir compter et auxquels il avait le
plus souvent recours étaient les assassins éprouvés à qui l'on pouvait se fier
pour mater des hommes adultes et les tenir en respect. Cette élite du crime
s'étendait à Jan Hendricxsz, Gysbert Van Welderen, Mattys Beer et Lenert Van Os 10 .
Andries Jonas et ses semblables, qui ne s'attaquaient qu'à des jeunes garçons
ou à des femmes enceintes, n'avaient qu'un statut subalterne et la douzaine de
signataires du serment de loyauté prêté à Jeronimus qui ne prirent part à aucun
massacre devaient être relégués au bas de l'échelle, aux yeux de leurs
comparses initiés au meurtre.
    L'élite des mutins semble avoir assumé sa mission avec
plaisir. Des hommes tels que David Zevanck ou Coenraat Van Huyssen, qui ne
jouaient à bord du Batavia qu'un rôle relativement secondaire, se
trouvaient à présent investis d'une grande autorité, et exerçaient le droit de
vie et de mort sur les habitants de l'île. D'autres, tels que Jan Hendricxsz
qui massacra entre dix-sept et vingt personnes 11 ou Lenert van Os,
qui en tua une douzaine, étaient des tueurs aguerris. Ils ne s'embarrassaient
apparemment pas de scrupules et prenaient plaisir à tenir leur place dans la
garde rapprochée de Cornelisz. Mais le meurtre en soi n'était pas la motivation
première des subalternes, qui semblent n'avoir commis ces meurtres que pour
éviter d'en devenir les victimes, et parce que la faveur dont ils bénéficiaient
ensuite auprès du capitaine général leur garantissait de meilleures rations et
l'accès aux femmes.
    En quittant Amsterdam, le Batavia ne devait
transporter qu'une vingtaine de femmes, à présent mortes, pour la plupart 12 .
Elles avaient péri lors du naufrage, ou avaient succombé soit au manque d'eau,
soit lors des massacres de l'île aux Traîtres ou de l'île des Otaries. Les
hommes de Cornelisz avaient impitoyablement exterminé toutes les femmes
enceintes, ou celles qui étaient trop vieilles à leur gré. Les quelques jeunes
femmes épargnées avaient été rassemblées sur l'île de Jeronimus, où elles
étaient à la disposition du capitaine général et des mutins.
    Elles étaient au total sept. Creesje Jans, et Judick, la
fille du pasteur, étaient les seules représentantes des passagers de la poupe.
Les cinq autres provenaient de l'entrepont : Anneken Bosschieters, les sœurs
Fredricx, Tryntgien et Zussie, Anneken Hardens et Marretgie Louys, qui étaient
probablement toutes mariées à des marins ou à des soldats de l'équipage. Le
mari de Tryntgien était parti

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