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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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avec la chaloupe de Pelsaert et celui d'Anneken
Bosschieters était sur l'île de Wiebbe Hayes. Elles se retrouvaient donc sans
protection. Hans, l'époux de Hardens, faisait partie des mutins, parmi lesquels
il occupait un rang subalterne. Les raisons qui l'ont empêché de s'opposer à ce
que sa femme rejoigne le « harem » de l'île demeurent mystérieuses. Toujours
est-il qu'il ne fit rien pour l'en empêcher. Les femmes de l'entrepont furent
rassemblées à part et mises « à la libre disposition de tous 13 » -
ce qui signifiait, en clair, qu'elles étaient au service des mutins.
    Les hommes de Jeronimus n'étaient pas tous des brutes.
Certains des officiers eurent une conduite relativement correcte. Coenraat Van
Huyssen, en particulier, semble être resté fidèle à sa fiancée, Judick
Bastiaensz. Mais la plupart des mutins ne s'embarrassaient pas de telles
finesses. Il était normal, pour ces femmes qu'on avait épargnées afm de les
mettre « à la libre disposition de tous », d'avoir subi les assauts d'au moins
deux ou trois des hommes de Cornelisz. Celles qui avaient un seigneur et maître
attitré étaient enviées. « Ma fille a dû cohabiter environ cinq semaines avec
Van Huyssen, note le pasteur. Il a parfaitement assuré sa protection, afin
qu'elle n'ait à supporter aucun autre désagrément que celui de cohabiter avec
lui. Les autres femmes étaient très jalouses de son sort et pensaient que
c'était là lui faire trop d'honneur 14 . »
    Creesje Jansz était de loin la plus convoitée des sept, et
Jeronimus se la réserva d'office. Dès qu'il prit le pouvoir sur l'île, le
capitaine général la fit amener dans sa tente et, loin de chercher à la
soumettre par la force, il déploya des trésors de prévenances 15 .
Pendant près de deux semaines, il lui écrivit des sonnets et fut aux petits
soins pour elle 16 , dans l'espoir de la convaincre qu'il n'était pas
un monstre. Cette conduite surprenante semble indiquer, d'une part, que
Cornelisz voyait en elle bien plus qu'un simple agrément, et trahit surtout
cette forte tendance qu'il avait à s'autosuggestionner- car elle lui opposait
la même résistance obstinée que naguère à Jacobsz. Cornelisz finit par renoncer
à ses entreprises galantes et les choses durent s'ébruiter dans le camp, car
les autres habitants de l'île en eurent vent :
    « Enfin, Jeronimus alla s'en plaindre à David Zevanck, lui
expliquant qu'il ne parvenait à rien avec elle, ni par la douceur ni par la
colère. Zevanck lui répondit : "Eh ! vous ne connaissez donc pas de remède
à cela ? Vous allez voir que je vais lui faire entendre raison." Il est
alors entré dans la tente et a lancé à Lucretia : "J'entends que l'on se
plaint de vous - A quel sujet ? a-t-elle demandé - On me dit que vous refusez
de vous plier de bonne grâce aux souhaits du capitaine. Mais à présent, vous
allez devoir choisir. Soit vous faites ce pour quoi nous avons épargné les
femmes, sur cette île, soit vous finirez comme Wybrecht Claasen !" En
entendant ces menaces, Lucretia se résigna, et le capitaine général en fît sa
concubine. 17 »
    Comme les autres femmes, Lucretia n'avait cédé que pour
échapper à la mort. Tant que le capitaine général serait content d'elle, elle pourrait
au moins manger et boire convenablement, tout en bénéficiant d'une relative
sécurité - ce qui n'était pas le lot des autres rescapés mâles, adultes ou
jeunes garçons, qui vivaient dans une constante terreur, exposés à la maladie,
à la faim et à la soif.
    A présent que le plus clair des massacres avait été
perpétré, la vie du mutiné moyen sombrait peu à peu dans la routine. Les hommes
de Jeronimus étaient sans cesse en quête de distractions nouvelles, et il était
mortellement imprudent d'attirer leur attention. D'autant plus que la santé
mentale de quelques-uns, qui étaient sans doute à l'origine d'un tempérament
plutôt instable, commençait à vaciller.
    Le cas le plus grave fut celui de Jan Pelgrom l8 ,
un garçon de cabine dont le journal de bord décrit « la vie abominable » avec
force détails :
    « Jurant, blasphémant, défiant Dieu, il n'avait plus rien
d'humain et vivait comme une bête. » Pelgrom n'avait plus le moindre contrôle
de lui-même, « ce qui finit par en faire un vrai monstre, terrorisant tout le monde.
Il inspirait à lui seul une peur plus grande que tous les autres assassins et
malfaiteurs de l'île ». Cette fulgurante promotion, pour un gamin qui

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