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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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n'avait cessé que faute de victimes.
    Les tempêtes des semaines précédentes avaient fait place à
un beau temps printanier et le Sardam progressait à vive allure le long
de la Terre Australe. Il jeta l'ancre à Batavia le 5 décembre, un peu moins de
trois semaines après son départ des Abrolhos, soit moins du tiers de ce qu'il
lui avait fallu pour couvrir la même distance en sens inverse, deux mois plus
tôt l3 .
    Le voyage ne fut ponctué que de deux événements marquants.
Le matin du 16 novembre, moins de vingt-quatre heures après avoir quitté le
Cimetière du Batavia , Pelsaert repéra des colonnes de fumée qui
s'élevaient du continent. Le temps était nettement plus clément que lors de son
premier voyage le long de la côte, et le commandeur parvint à jeter
l'ancre dans une petite anse à quelque quatre-vingts kilomètres au nord de
l'archipel. Ces fumées pouvaient être des signaux de Jacob Jacobsz et de ses
hommes portés disparus. On ne retrouva pas leur trace, mais le secteur était
manifestement habité. Les hommes qui débarquèrent découvrirent d'innombrables
traces de pieds nus, bien que « les Noirs soient restés à couvert et ne soient
apparus à quiconque » - et trouvèrent à proximité un ruisseau d'eau potable 20 .
Pelsaert jugea l'endroit idéal pour l'exécu-tion de la sentence d'abandon
portée contre Jan Pelgrom et Wooter Loos 14 . Dans la journée, les
deux mutins furent débarqués sur une plage, non loin du ruisseau. Curieusement,
Pelgrom et Loos furent donc les premiers colons blancs en Australie, près de
cent soixante ans avant l'arrivée des détenus anglais de la Première Flotte,
qui débarquèrent en 1787.
    Là encore, les deux mutins pouvaient s'estimer bien lotis.
En dépit des mythes romantiques qui fleurirent par la suite autour des îles
désertes, une telle sentence équivalait le plus souvent à une mort atroce. Les
condamnés étaient débarqués sur des îlots arides, comparables à ceux des
Abrolhos, avec en tout et pour tout une bouteille d'eau et un pistolet. Leur réserve
épuisée, il ne leur restait qu'à abréger leurs souffrances en mettant fin à
leurs jours. Pelgrom et Loos bénéficièrent d'un traitement de faveur, puisqu'on
les laissa près d'un point d'eau, avec une bonne réserve de provisions et
d'objets pouvant servir de monnaie d'échange avec les indigènes. Le commandeur leur prodigua même ses conseils pour entrer dans les bonnes
grâces des tribus qu'ils pourraient rencontrer. Leurs chances de survie étaient
loin d'être négligeables.
    Le deuxième incident survint à la fin de novembre, alors
que le Sardam allait arriver en vue des côtes de Java. Huit des mutins
attendaient encore la décision du Conseil 15 à leur égard. Ils
supplièrent Pelsaert d'examiner leur cas et de prononcer immédiatement leur
sentence avant d'arriver à Batavia 16 . Une telle requête était très
inhabituelle, d'autant plus qu'elle était soutenue par le reste de l'équipage.
On peut supposer que les mutins survivants l'avaient fait en espérant
bénéficier de la même clémence que Deschamps, Gellisz, Loos et les autres. Sans
doute supposaient-ils, à raison, qu'ils seraient mieux traités par Pelsaert que
par l'inflexible Conseil des Indes...
    Les membres du Conseil élargi de Pelsaert se donnèrent un
certain délai de réflexion. D'abord parce qu'ils se doutaient que le gouverneur
Coen souhaiterait probablement interroger lui-même les mutins ; et ensuite
parce qu'ils ressentaient sans doute une certaine compassion pour ces hommes -
et se demandaient, comme le note Pelsaert dans son journal de bord, s'il ne
valait pas mieux « éviter de déranger davantage Son Honneur dans ses nombreuses
fonctions, puisqu'il est à craindre que la guerre contre les Javanais lui cause
déjà suffisamment de tracas, en dépit de tous les vœux que nous formons pour
qu'il n'en soit rien 17 ».
    Ils finirent par trouver un compromis. Sept des rebelles
furent convoqués sur le pont pour entendre leur sentence 18 . Le
huitième était le dernier survivant du conseil de Jeronimus, l'infortuné
caporal « Coupe-Pierre » Pietersz, qui, en tant que dernier complice de quelque
envergure demeurant entre les mains de Pelsaert, resta dans les fers, attendant
le bon plaisir du gouverneur général.
    Le premier à comparaître devant le Conseil du navire fut
Daniel Cornelissen, le fougueux jeune cadet qui avait tué quatre hommes et
contribué à en assassiner trois autres, avant

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