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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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redoutable bouillon de
culture.
    En revanche, la situation militaire avait évolué dans le
bon sens. Les prédictions de Coen, qui attendait un second siège de la part du
Susuhunan de Mataram, se trouvèrent vérifiées dès la fin d'août. Agung avait
encerclé le fort de Batavia avec des forces considérables 20 . Mais le
2 octobre, soit six semaines plus tard, le jour même où Jeronimus et ses
principaux acolytes furent pendus sur l'île aux Otaries, le susuhunan battit en retraite « à son grand déshonneur » et « de la façon la plus
infamante », pour reprendre les termes du journal de la VOC de Batavia.
Manquant de vivres et menacées de famine, les troupes javanaises décampèrent du
jour au lendemain en direction de la forêt, avant même que les Hollandais
n'aient eu le temps de s'en apercevoir.
    La guerre qui avait opposé la Jan Compagnie à Mataran
avait dévasté la ville et ses environs, et s'était traduite par de fâcheuses
répercussions sur les bénéfices du commerce avec les Indes. Mais Batavia avait
eu tôt fait de s'en remettre. Quant à ses environs, la jungle y reprit si vite
ses droits que, quelques mois à peine après le siège, le conseil des Indes
offrait une prime pour chaque rhinocéros abattu aux alentours de la ville. En
1700, il eut l'occasion de verser chaque mois une trentaine de ces petits
pactoles.
    Mais un autre coup de théâtre avait éclaté, dans les murs
de Batavia elle-même. Coen n'assista jamais de son vivant au triomphe de ses
armées. Le 21 septembre, le gouverneur général s'était effondré et était mort
subitement 21 , à l'âge de quarante-deux ans, la veille du jour où
Jacques Specx et le reste de la flotte d'automne de la VOC (dont l'escadrille
de Pelsaert faisait naguère partie) vinrent jeter l'ancre dans une anse, à
proximité de la ville. La cause de la mort du gouverneur général fut
semble-t-il une crise cardiaque. Bien que Coen eût déjà souffert de la
dysenterie, sa mort fut si inattendue qu'elle donna lieu à quelques rumeurs des
plus croustillantes. On murmurait, entre autres, que le gouverneur général se
trouvait sur son balcon la veille de sa mort, et que c'était de là qu'il avait
vu apparaître à l'horizon la flotte d'automne. « Voici Mr Specx, qui vient
prendre ma succession », aurait-il prophétisé, avant de tomber sans connaissance,
terrassé par son appréhension de la réaction de Specx, lorsqu'il apprendrait
les mésaventures de sa fille Sara.
    Que cette frayeur fut ou non la vraie cause de sa crise
cardiaque, la prédiction de Coen se réalisa. Trois jours après sa mort, Jacques
Specx fut nommé gouverneur général des Indes 22 . Ce fut donc à lui,
et au fiscaal Anthonij Van den Heuvel, qu'il échut de régler le sort des
derniers mutins du Batavia. Ils furent débarqués du Sardam à la
fin de la première semaine de décembre et, comme on peut le supposer, furent
immédiatement mis sous les verrous, dans les sinistres cachots de la citadelle
où Ariaen Jacobsz moisissait toujours, en attendant la fin de l'enquête qui
devait déterminer son rôle exact dans la mutinerie.
    Ils étaient quatorze au total : les huit hommes dont
Pelsaert venait de régler le sort, les cinq autres (dont Salomon Deschamps et
Lucas Gellisz) qu'on avait jugés dans les Abrolhos et, enfin, Coupe-Pierre
Pietersz, l'ancien lieutenant général du gang de Jeronimus, à présent redevenu
simple caporal, et dont l'interrogatoire n'avait pas même commencé. Au moins
quelques-unes des sentences portées par le Conseil du Sardam avait déjà
été exécutées, à la date où le jacht arriva à Batavia 23 et
certains mutins avaient déjà reçu leur châtiment (bien qu'il subsiste quelques
doutes sur ce dernier point, pour ce qui est de Daniel Cornelissen, et des
autres mutins condamnés à la fin de novembre), mais même ceux-là n'avaient
aucune certitude d'être libérés. Le pouvoir du gouverneur général des Indes
était absolu, en ce domaine. Il pouvait faire d'eux ce que bon lui semblerait.
    Ils furent donc jetés en prison, pendant que Specx et ses
conseillers examinaient l'affaire du Batavia et leur sort ne fut scellé
qu'à la fin de janvier. Il semble que Specx ait considéré que Pelsaert avait
fait preuve d'une clémence excessive à leur égard et, conformément aux craintes
des mutins, le gouverneur général n'eut aucun scrupule à rejuger l'affaire. Le
31 janvier 1630, les survivants de la bande de Jeronimus furent tirés de

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