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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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succéder les soupirs… Je me sentis alors bien contente et soulagée dans mon
cœur, car c’était la première fois, depuis la lettre à Mirabel, que Louis
couchait derechef avec son épouse. »
    Bien que je sois bon catholique, aille à messe, me confesse
et communie quand il faut, bien je me ramentois les justes critiques que nos
bons huguenots adressaient à mon Église, et je dois dire que je suis, comme
Louis d’ailleurs, indigné du faste de nos évêques, de la façon dont ils
prélèvent leur dure dîme sur les paysans, et de leur avarice, quand il s’agit
de payer les pauvres curés de campagne, et de réparer leurs églises.
    Il y a, en outre, chez les dévots, des manières qui me
déplaisent. Ils parlent sans cesse de la « damnation » en anticipant
sans façon sur le jugement du Seigneur et d’un autre côté ils jasent sans fin
de la « Providence », comme s’ils savaient d’avance ce qu’elle allait
décider.
    Cependant, pour une fois, je ne suis pas loin de croire que
nos dévots ne se trompaient pas, quand ils proclamèrent urbi et orbi que
la pluie torrentielle qui empêcha le voyage du roi à Saint-Maur et lui fit
chercher un gîte chez la reine fut, comme ils dirent,
« providentielle ». J’en fus de plus belle assuré en ouvrant le
trente janvier 1638 la Gazette de Théophraste Renaudot où je lus en
toutes lettres que Sa Majesté la reine était enceinte.
    La liesse fut grande dans toute la France, traversée
cependant d’une crainte que personne n’osait exprimer : depuis vingt et un
ans, toutes les grossesses de la reine avaient avorté. Réussirait-elle, cette
fois, à porter son fruit jusqu’à son terme ? De tous les coins de France
s’élevèrent alors d’ardentes prières, les unes adressées à Jésus, d’autres à la
Vierge Marie, pour que la reine, cette fois, accouchât, et accouchât d’un fils.
    Ces prières furent exaucées, preuve irréfutable aux yeux des
dévots que la pluie torrentielle qui avait poussé le roi à chercher refuge chez
la reine était bel et bien l’œuvre du Tout-Puissant. Raison aussi pour laquelle
on appela l’enfantelet Louis Dieudonné.
    C’était, à la vérité, un pépon joufflu, fessu et bien
membré. Tant est que l’ayant avec gourmandise regardé et palpé, les nourrices
conclurent que celui-là « côté dames ressemblerait davantage à son
grand-père qu’à son père ». Ceci fut dit entre elles sotto voce, mais
Dieu sait comment, dès le lendemain, la prophétie fut connue de toute la Cour.
    De mon côté, jamais en notre chambre le babil des courtines
ne fut plus nourri ni plus long.
    — M’ami, disait Catherine, je conçois que la reine soit
heureuse d’avoir porté jusqu’au bout son fruit, et Louis fort soulagé d’avoir à
la parfin un dauphin qui garantisse l’avenir de la dynastie. Mais j’entends mal
le retentissement de cette naissance, lequel est tel et si grand que hors même
de ce royaume nos ennemis s’en désolent et nos amis s’en félicitent.
    — Mon petit belon, la réponse à votre question tient en
un seul nom propre : Gaston.
    — Gaston ?
    — Oui-da ! Gaston ! L’homme de toutes les intrigues
et de toutes les trahisons. Avant la naissance de Louis Dieudonné, Gaston
était, en fait, l’héritier du trône et, en cette qualité, taillait un
personnage considérable dans le royaume. Et que faisait-il ? Il vivait une
vie de farniente et de débauche, et de temps en temps, il quittait la
Cour sans crier gare pour se réfugier en pays ennemis, Lorraine ou Pays-Bas,
lesquels étaient ravis de le recevoir, trouvant plaisir et profit à ce que la
famille royale fut désunie, et comptant que, succédant un jour à son frère,
Gaston serait plus ployable à leur politique. Aux lettres de Louis lui
demandant de revenir au bercail, Gaston répondait en barguignant son retour en
France contre de l’or. Il exigeait, en outre, des faveurs et des avancements
pour ses favoris, et dans son inconscience n’hésitait pas à demander le
cardinalat pour son propre confesseur, lequel avait fait un enfant à sa
concubine… M’amie, si le dauphin n’était pas né, quel désastre c’eût été à la
mort de Louis de voir Gaston monter sur le trône ! Rien ne serait resté de
l’œuvre patiente de reconstruction du roi et de Richelieu. Non que Gaston fût
sot, mais rien ne l’intéressait que de farnienter avec ses joyeux drilles et
ses complaisantes caillettes. En outre, indifférent

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