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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bien
ouï : une dizaine de gardes ! Quelle méchante escorte pour garder un
si grand ministre ! J’allais me jeter sur mon lit, la gorge se nouant du
fait de mon anxiété et mon cœur battant la chamade. Je me fis alors le serment
de ne saillir de ce logis ni de jour ni de nuit, aussi longtemps que ce funeste
va-et-vient quotidien du cardinal entre Fleury en Bière et Fontainebleau
continuerait et qu’on pouvait craindre contre Richelieu un nouvel attentement.

 
CHAPITRE X
    Du diantre si je sais pourquoi je m’étais mis en cervelle
que l’attente du renseignement de Chalais allait me manger une semaine. Elle ne
dura qu’une journée.
    Très tôt le lendemain, on toqua à la porte de ma chambre et
la voix de Monsieur de Clérac demandant l’entrant, je me levai, libérai le
verrou et lui ouvris. Il poussa devant lui la petitime qui, les yeux ronds,
rusés et brillants comme ceux d’un écureuil, me dit avec un air de profond
mystère qu’un gentilhomme demandait à me voir, lequel noulait dire son nom. Et
comme je quérais d’elle qu’elle me le décrivît, elle reprit :
    — Ma fé ! Monsieur le Comte ! C’est un bel
homme ! Il est grand assez pour être deux fois ma hauteur, le cheveu blanc
comme neige et la mine fort haute.
    J’eus peu de doute alors sur la personne dont il s’agissait
et, tout frémissant en mon for, sans le laisser paraître à cause de la petitime
qui ne nous quittait ni d’un pas ni de l’œil, je dis en oc à Clérac (qui était
gascon, le lecteur s’en ramentoit) de ne pas donner son titre au visiteur en le
saluant et de me l’amener incontinent. À quoi j’ajoutai, toujours en oc :
« Par le Ciel et par tous les Saints, chassez-moi cette collante petite
mouche qui volette dans les alentours ! » Clérac n’y alla pas par
quatre chemins. Il toqua de sa dextre l’arrière-train de la garcelette et lui
montrant les grosses dents, il lui dit d’une voix terrible : « Et pis
ferai-je, m’amie, si je te trouve encore entre mes pattes ! » La
petitime s’enfuit alors en piaillant comme volaille qu’on plume et Clérac
descendit à sa suite pour me ramener le visiteur.
    — Comte, dit le commandeur de Valençay en entrant dans
ma chambre d’un pas vif, laissons là, s’il vous plaît, les civilités ! Le
temps presse. Le cardinal court derechef les plus grands périls.
    Il souffla, ayant gravi un peu vite sans doute, vu son âge,
les marches qui menaient à l’étage. Quoiqu’il fît effort pour garder la face
imperscrutable, son émeuvement se trahissait par le battement de ses paupières
et, quand il parla, par le halètement de sa voix.
    — Comte, nous avons très peu de temps devant nous.
Comme vous savez, le cardinal est accoutumé à venir de Fleury en Bière à
Fontainebleau dans les après-dînées pour traiter avec le roi des affaires du
royaume.
    — Je sais cela.
    — Et d’aucuns voudraient, ce jour d’hui, sur ce trajet,
lui tendre une embûche, le capturer et, se peut, le tuer.
    — Tête bleue ! m’écriai-je. C’était à
prévoir ! Et je ne sais ce qui me frappe le plus dans ce nouvel
attentement, sa cruauté ou sa sottise. Car enfin, la vengeance de Louis, si on
lui tuait son ministre, serait terrible. Le renseignement est-il sûr tout à
plein ?
    — Je le tiens de qui vous savez…
    — Et pourquoi n’est-il pas venu me le dire de
lui-même ?
    — Le parti de l’aversion au mariage a su qu’il avait
dîné hier avec vous à L’Autruche. Cela a suffi pour le rendre suspect.
    — La nouvelle a voyagé vite, dis-je, avec une petite
pensée meurtrière pour la petitime. Et bien sûr, le marquis n’a pas voulu
aggraver les soupçons en venant me voir le lendemain ! Il devient prudent,
il me semble.
    — Ne croyez pas cela ! dit le commandeur avec un
soupir. C’est moi qui le lui ai défendu et il a fallu lui parler avec les
grosses dents tant il tenait à faire d’une pierre deux coups : vous voir
et coqueliquer de nouveau avec sa putain cramante.
    Ce déprisement pour la pauvre Cathau me donna à entendre que
le commandeur, tout bon chrétien qu’il fût, n’aurait pas pardonné, lui, à
Marie-Madeleine…
    — Mais, observai-je, vous mettez vous-même votre vie en
péril en remplaçant votre neveu.
    — Comme vous-même, Comte, je sers le roi. Et
maintenant, que vous proposez-vous de faire ?
    — À vous je le peux dire, Commandeur, et à nul autre.
Je vais expédier quelqu’un à Fleury en Bière

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