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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fallait referrer, les mulets bâtés, trop
lents pour suivre les chevaux, et qui s’égaraient avec leur précieux
chargement. Et à la parfin, les difficultés pour trouver à l’étape des lits
pour se coucher et de la nourriture pour tant de bouches, les maladies enfin
qui ne pouvaient pas ne pas éclore quand tant d’hommes se trouvaient
rassemblés.
    Ajoutez à cela l’extraordinaire impatience qui possédait
Louis et le faisait marcher avec une rapidité que j’eusse osé qualifier de
folle, s’il ne s’était agi de mon roi. Que le lecteur en juge : partis de
Paris le deux juin à la pique du jour, nous arrivâmes à Blois le six juin à la
vesprée, ayant pris, pour aller plus vite, le bateau de Loire d’Orléans à
Blois. Vous avez bien lu, lecteur ! Soyez bien assuré que j’entends et que
j’excuse votre incrédulité tant elle me paraît naturelle, mais le fait est y
constant : nous mîmes cinq jours pour parcourir la longuissime distance
entre Paris et Blois. Jamais, de mémoire d’homme, armée n’avait marché si
vivement !
    Quand je vis que Blois n’était pas qu’une étape, mais que la
Cour s’y installait pour un long séjour, je me demandai quelles étaient au
juste les intentions de Louis à l’égard des frères Vendôme, d’autant qu’il
avait pris dans son carrosse, en même temps que Schomberg et moi, le grand
prieur à qui il ne montrait pas mauvais visage, tout le rebours.
    Toutefois, arrivé à Blois, il demanda au grand prieur
d’aller quérir son frère en Bretagne et de le ramener à Blois. À cette requête,
je vis bien qu’Alexandre de Vendôme tordait un peu le nez, sans oser pourtant
refuser rien au roi.
    — Sire, dit-il, si le duc consent à venir céans, que
lui ferez-vous ?
    — Mon frère, dit Louis, la face imperscrutable, je vous
donne ma parole qu’on ne lui fera pas plus de mal qu’à vous-même.
    Cette réponse était énigmatique, car elle pouvait s’entendre
de deux façons différentes, selon que le roi eût résolu ou non, en son for, de
punir le grand prieur. Je ne faillis pas à cet instant d’envisager le roi le
plus discrètement que je pus, mais je ne pus rien lire sur son visage. Si son
propos voulait dire le contraire de ce qu’il avait l’air de dire, rien ne
permettait de le soupçonner.
    Le grand prieur partit, à vrai dire peu rassuré, mais
espérant malgré tout que sa rébellion de 1626 serait comme celle de 1614 :
pardonnée par le roi.
    Jamais je ne vis Louis plus impatient, plus agité et plus soucieux
que dans les jours qui suivirent. Il était clair qu’il se faisait un souci à
ses ongles ronger, non sans raison, l’enjeu étant grandissime. Il avait relâché
le grand prieur dans l’espoir qu’il lui ramènerait le duc, mais si le duc ne
venait pas, il faudrait alors avancer jusqu’à Nantes, engager le fer, et la
bataille ne serait pas facile, la Bretagne devenant dès lors le bastion de la
rébellion, secourue par les protestants, par les Anglais et aussi par le duc de
Longueville, gouverneur de la Normandie et par d’autres Grands, peut-être.
    Par bonheur, l’attente de Louis fut courte. Le onze juin,
comme Louis se promenait dans le jardin du château de Blois, la nuit étant
encore claire, le capitaine de Mauny vint à lui quasi courant et lui dit d’une
voix haletante :
    — Sire, le duc de Vendôme et son frère sont arrivés.
Ils demandent à vous voir.
    — Ils sont là ! s’écria le roi d’une voix joyeuse.
Amenez-les-moi, Du Hallier ! Et avec d’infinis égards ! Ramentez-vous
que le duc de Vendôme vient, par le rang, immédiatement après les princes du
sang !
    Mais à vrai dire, le duc n’avait pas la crête bien haute,
quand il parut devant le roi dont il avait dit qu’ « il ne voulait plus le
voir qu’en peinture ». Il se découvrit d’un geste large, s’inclina
profondément et prononça, avec un air de sincérité assez bien imité, un petit
compliment qu’il avait préparé en chemin :
    — Sire, je suis venu au premier commandement de Votre
Majesté pour lui obéir et l’assurer que je n’aurai jamais autre dessein ni volonté
que de lui rendre très humble service.
    C’était, à peu de chose près, ce qu’il avait dit à Sa
Majesté, quand il était venu à résipiscence après sa rébellion de 1614, huit
ans plus tôt. On voit par là combien les paroles volent…
    — Mon frère, dit Louis en lui mettant gracieusement la
main sur l’épaule, j’étais

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