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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’ils avaient à la Cour. Tant est que je me demandai la
raison du répit que Louis accordait à ses demi-frères. Était-ce une sorte de
courtoise concession qu’il leur faisait avant de les serrer en geôle ou, comme
disait Fogacer, un jeu de chat avec la souris qu’il a réduite à discrétion mais
à qui il laisse un semblant de liberté, avant de la ramener sous sa
griffe ?
    L’arrestation se fit, en fait, dans la nuit du douze au
treize juin. Du Hallier qui boitait encore de sa chute de cheval et Mauny, à
deux heures du matin, entrèrent, lanternes en main, dans la chambre des deux
frères avec une trentaine de gardes, les piques basses. Les Vendôme dormaient
profondément et il fallut que le valet de chambre tirât les courtines de leurs
baldaquins pour qu’ils parvinssent à se réveiller.
    — Messieurs, dit Du Hallier, j’ai ordre du roi de vous
prendre au corps. Plaise à vous de vous vêtir !
    Ils se levèrent, frappés de stupeur, mal réveillés, sans
voix.
    Cependant, dès qu’il fut vêtu, le duc de Vendôme reprit
quelque peu ses esprits, et se tournant vers son frère, lui dit d’un ton
amer :
    — Eh bien, vous ai-je pas prévenu en Bretagne qu’on
nous arrêterait ? Je vous avais bien dit que le château de Blois était un
lieu fatal pour les princes…
    On conçoit aisément que le duc préférât mettre son
arrestation sur le compte de la magie funeste attachée aux vieux murs d’un
château que sur celui de sa criminelle entreprise contre la personne du
cardinal.
     
    *
    * *
     
    Deux jours avant l’arrivée de Vendôme, le neuf juin, le roi
me ramentut que j’avais écrit des lettres sous la dictée de son père, quand
j’étais son truchement ès langues étrangères, et quit de moi si j’étais disposé
à en écrire une pour lui, cette missive étant si privée qu’il noulait que ses
secrétaires en eussent connaissance, quelque confiance qu’il eût en eux.
    Que celle qu’il nourrissait pour moi fût encore plus solide,
j’en fus transporté d’aise et m’installai devant l’écritoire avec un
empressement qui était fait de joie, de gratitude, et s’il faut le dire enfin,
de curiosité.
    Celle-ci redoubla dès que j’entendis qu’il s’agissait d’une
réponse à la démission de Richelieu, et je ressentis alors un émeuvement tel et
si grand qu’il me fallut un moment avant que je pusse maîtriser le tremblement
de ma main. Voici cette lettre, telle qu’à peine revenu en mon appartement, je
la transcrivis de mémoire.
     
    « Mon cousin, j’ai vu toutes
les raisons qui vous font désirer votre repos, que je désire avec votre santé
plus que vous, pourvu que vous le trouviez dans le soin et la conduite
principale de mes affaires.
    « Tout, grâce à Dieu, y a
bien succédé depuis que vous y êtes. J’ai toute confiance en vous, et il est
vrai que je n’ai jamais trouvé personne qui me servît à mon gré comme vous.
C’est ce qui me fait désirer, et vous prier, de ne point vous retirer, car mes
affaires iraient mal. Je veux bien vous soulager en tout ce qui se pourra, et
vous décharger de toutes visites, et je vous permets d’aller prendre du relâche
de fois à autre, vous aimant autant absent que présent. Je sais bien que vous
ne laissez pas de songer à mes affaires.
    « Je vous prie de n’appréhender
point les calomnies. L’on ne s’en saurait garantir à ma cour. Je connais bien
les esprits, et je vous ai toujours averti de ceux qui vous portaient envie. Et
je ne connaîtrai jamais qu’aucun ait quelque pensée contre vous que je ne vous
le dise. Je vois bien que vous méprisez tout pour mon service, Monsieur, et
beaucoup de Grands vous en veulent à mon occasion. Mais assurez-vous que je
vous protégerai contre qui que ce soit, et que je ne vous abandonnerai jamais.
Assurez-vous que je ne changerai jamais et quiconque vous attaquera, vous
m’aurez pour second.
    « Louis. »
     
    Je confesse, lecteur, que j’aime cette lettre et qu’elle me
touche au point qu’en la relisant – en particulier depuis la mort des deux
protagonistes – le nœud de ma gorge se serre et bien que je sois proche
des larmes, elles ne peuvent pas couler, tant grand est mon émeuvement.
    J’aime cette lettre jusque dans ses naïvetés et gaucheries.
Par exemple, quand Louis écrit : « Je vous aime autant absent que
présent », sans s’apercevoir que cette phrase pourrait s’entendre tout au
rebours de ce qu’il voulait dire. Mais la

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