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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cible
visée est cible atteinte. J’entends à distance convenable et à bonne visibilité
(ce qui, à mon sentiment, diminuait quelque peu le caractère miraculeux de
l’arme). Ramentez-vous aussi, poursuivit-il, que si vous devez être assiégé en
citadelle, vous devrez prendre soin de vous garnir auparavant en vivres
personnels, je dis bien personnels, pour un an au moins. Ce qui vous permettra, primo , quelle que soit la longueur du siège, de survivre, secundo ,
d’empêcher votre proche prochain de mourir de verte faim. Je dis « proche
prochain » car comment pourriez-vous subvenir, avec vos vivres propres,
aux besoins de toute une armée ? Oyez encore ceci ! Si l’ennemi
bombarde la citadelle intra muros, n’omettez pas de vous coiffer
aussitôt d’un morion : il ne vous protégera pas d’un obus mais des pierres
que l’obus détachera des murs. Si l’ennemi lance une attaque contre les
remparts et monte aux échelles, revêtez votre cuirasse, car vous pouvez alors
craindre le corps à corps. Ne buvez aucune eau qui ne soit sûre. Évitez les
herbes et les verdures. Gardez-vous de tout contact avec les mains sales, les
haleines fétides et le bren [74] . Gardez en pensée qu’au cours d’un
siège, assiégés et assiégeants ont ceci de commun qu’ils meurent davantage d’un
dérèglement des boyaux que d’une mousquetade…
    — Miroul, dit mon père, va donc coucher tout ceci par
écrit, si tu veux que Pierre-Emmanuel s’en ramentoive. Pour moi, Monsieur mon
fils, je ne vous baillerai qu’un seul conseil : engagez Hörner et dix de
ses Suisses.
    — Mais, Monsieur mon père, dis-je béant, ne feront-ils
pas double emploi avec les mousquetaires de Monsieur de Clérac ?
    — Point du tout. Ils seront pour vous, en quelque
sorte, une garde prétorienne. Vous en aurez seul le commandement, alors que les
mousquetaires ne voudront recevoir d’ordres que de Monsieur de Clérac même s’il
est placé sous les vôtres. Outre que Hörner et ses Suisses vous sont dévoués
corps et âme, vous ne faillirez pas d’éprouver qu’ils vous seront très utiles.
Ah ! J’y pense enfin ! Emportez toutes les pécunes dont vous pourrez
disposer. On dit que l’or est le nerf de la guerre et c’est vrai. Pour le soldat
autant que pour le capitaine. Je me suis trouvé en mes missions et périls en de
tels délicats prédicaments que j’eusse perdu la vie, si ma bourse n’avait été
si bien garnie.
    Comme mon père avait si bien dit et quoi qu’il en eût,
j’avais l’oreille bourdonnante et la tête farcie quand je m’allais coucher pour
la sieste. Jeannette tout soudain apparaissant et me rejoignant prestement
derrière les courtines, je lui dis :
    — Surtout, surtout, Jeannette, je te prie, pas un
mot !
    Là-dessus, je fis le semblant de dormir, mais je ne dormis
pas, et au bout d’un moment, comme je ne bougeai point, Jeannette me passa
doucement la main sur les joues.
    — Eh quoi, Monsieur le Comte, dit-elle dans un souffle.
Vous pleurez ! Êtes-vous mécontent de partir pour la guerre ?
    — Nenni ! Nenni ! Tout le rebours ! Je
suis plus excité qu’une pochée de souris.
    — Que veulent dire alors ces larmelettes ?
    — Je ne sais. Peut-être parce qu’il me semble que mon
père et Miroul m’aiment trop. Cela me tord le cœur.
    — Diriez-vous que moi aussi, je vous aime trop ?
    — Qu’en es-tu apensée ?
    — Avec votre respect, Monsieur le Comte, je pense que
ce « trop » est une billevesée ! Vu que lorsqu’on aime, même le
« trop » n’est pas encore suffisant…

 
CHAPITRE XIV
    À la Cour, où le moindre babillage tourne à la médisance, je
n’avais jamais ouï dire que du bien de Monsieur de Toiras, et cela alors même
qu’il avait été pendant quelque temps le favori du roi, ce qui lui eût valu
beaucoup de haine s’il n’avait été si honnête homme. Il ne fut de reste pas
tronçonné par Sa Majesté, mais partit de son plein gré pour gouverner La
Rochelle et les îles, voulant servir le roi, au lieu de demeurer à la Cour, en
futile oisiveté.
    Comme on sait, il fut remplacé, en tant que favori, par
Baradat, « jeune homme de nul mérite qui a poussé en une nuit comme un
potiron ». Que le lecteur me pardonne de lui citer une deuxième fois ce
jugement de Richelieu sur le favori, tant je le trouve savoureux.
    Quand je parvins à l’île de Ré et me présentai sous les murs
de la citadelle Saint-Martin, avec les cent

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