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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de
village », comme il voulut bien l’appeler, et moins encore à mon
obstination à la vouloir enterrer en terre chrétienne, alors qu’il eût été
aussi simple de l’enfouir hors cimetière dans la fosse commune avec les cagots,
les mendiants et les étrangers. Mais ce petit faquin de curé avait osé se
dresser contre son seigneur : cela, à ses yeux, suffisait. Il fallait
donner une leçon à ce béjaune.
    Je me gardai bien de noircir Monsieur Lefébure. Je louai,
tout au rebours, son savoir, sa diligence, son zèle et sa vertu. Je priai
l’évêque de ne le point expédier dans la paroisse « la plus pauvre et la
plus crottée de son diocèse », comme il en avait exprimé de prime
l’intention, mais de lui donner, au rebours, de l’avancement pourvu que ce fût
loin d’Orbieu.
    — Je vous entends, mon cousin, dit l’évêque en riant.
(Il avait les dents les plus blanches du monde et les montrait volontiers.)
Vous ne voulez pas que ce béjaune se plaigne de vous et de moi à ses bons
maîtres du séminaire. Vous avez mille fois raison. Ces dévots sont gens
redoutables et ne pardonnent jamais rien. Eh bien, je vais nommer Lefébure
troisième vicaire en mon église, promotion tout à fait prodigieuse pour un
jeune curé. Par qui le voulez-vous remplacer à Orbieu ?
    — Par le vicaire Figulus.
    — Mais Figulus n’a pas de rentes ! cria l’évêque,
comme effrayé.
    Le lecteur se souvient sans doute que les évêques exigeaient
alors d’un prêtre, pour lui donner une cure, qu’il eût en toute propriété une
rente annuelle de cinquante livres. C’était autant de moins qu’ils auraient à
lui verser en tant que « portion congrue ».
    — Je constituerai cette rente à Figulus, dis-je
aussitôt.
    — Sur vos propres deniers ? dit l’évêque en levant
le sourcil. Cela est-il constant ? En faites-vous le serment ?
    — Assurément, Monseigneur, vous avez ma parole.
    — Mon Dieu ! Que de pécunes vous coûte le départ
de ce petit drôle de Lefébure ! dit l’évêque, en riant de plus belle.
    Deux jours plus tard, Lefébure vint me faire des adieux
polis. En rassemblant ses hardes, il partit vers les grandes destinées dont, se
peut, il rêvait. L’excès de son zèle et la fureur de ses emportements ne
modifièrent point la bonne opinion que je nourrissais sur les séminaires. Mais
parler au nom de Dieu est une si grande force qu’elle requiert une modération
et une douceur de cœur qui faisaient défaut à ce roide béjaune. Après son
départ, il me fallut recoudre ce qu’il avait décousu et, ma fé, ni courte ni
facile fut cette tâche-là !…
     
    *
    * *
     
    Plaise à toi, lecteur, de revenir meshui avec moi dans le
temps présent, lequel se situe, si tu veux bien t’en ramentevoir, en l’automne 1624.
Plus précisément au moment des vendanges d’Orbieu, lesquelles, grâce à mes
Suisses, furent rapides et qui plus est, bonnes et joyeuses, laissant peu
présager les événements dramatiques qui, de façon si brutale, allaient nous
sauter à la gorge, sans toutefois, la Dieu merci, nous prendre tout à fait sans
vert.
    La vendange fut joyeuse pour la raison qu’ayant fait une
battue avec Monsieur de Peyrolles, Monsieur de Saint-Clair, Pissebœuf,
Poussevent et quelques-uns de mon domestique, nous tirâmes une compagnie de
jeunes sangliers dont nos manants et moi-même avions eu fort à nous plaindre
pendant l’été. Plutôt qu’une battue, Monsieur de Peyrolles eût préféré une
chasse à courre (qu’il jugeait plus noble) mais je noulus, la trouvant
dangereuse pour nos chiens. Et bien je fis, car ces jeunes sangliers, quand ils
déboulèrent, se révélèrent fort vifs et fonceurs. Leur compagnie laissa six de
leurs membres sur le tapis et c’étaient de jeunes bêtes, entre six mois et neuf
mois d’âge dont la chair serait succulente. Chacun de nous, Peyrolles,
Saint-Clair et moi, en reçûmes un et je donnai le reste à mes manants afin
qu’ils festoient en chœur sur la place de l’église. Je leur fis porter à cette
occasion par mes gens une futaille qui contenait assez de vin pour les égayer,
mais point assez pour les enivrer. Et par La Barge au vicaire Figulus, je fis
tenir un de mes flacons de choix et deux à Monsieur le curé Séraphin.
    — Monsieur le Comte, dit La Barge, vous faites bien
d’en bailler deux à Monsieur le curé Séraphin, puisqu’il a charge d’âme.
    — Drôle ! Hors de ma vue à

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