Le Pré-aux-Clercs
s’éloigner tranquillement, tout ébahis, mais bien contents au fond de savoir qu’on dédaignait de s’occuper d’eux.
En sorte aussi que toutes les forces : archers, gens d’armes, estafiers de Rospignac et populace en furie, tout cela se trouva déchaîné sur le groupe de Beaurevers.
XXV – L’ÉCHAUFFOURÉE DU PRÉ-AUX-CLERCS
En sortant de la rue de Seine, la manœuvre des gardes et des archers consistait à barrer le chemin de la ville aux rebelles. Car, chose remarquable, aux yeux du chevalier du guet, représentant de l’autorité, le roi et ses défenseurs devenaient des rebelles. Il est vrai que, en dehors de Beaurevers et de Rospignac, nul ne soupçonnait que c’était le roi lui-même qui se trouvait ainsi traqué.
La manœuvre consistait aussi à leur interdire l’accès de la rue de Buci. Il est certain que Gabaston, le chevalier du guet, avait été avisé qu’il lui arriverait du renfort par le Pré-aux-Clercs. Cette manœuvre avait donc pour objectif de maintenir les rebelles sur le Chemin-aux-Clercs, où ils seraient pris entre les forces de police d’une part et les stipendiés de Rospignac d’autre part.
Cette manœuvre ne réussit qu’à moitié : hommes d’armes et archers purent barrer le chemin de la ville, mais n’arrivèrent pas en nombre suffisant à la rue de Buci.
Beaurevers se vit pris de trois côtés : devant lui une barrière infranchissable, derrière lui la meute enragée de Guillaume Pentecôte qui arrivait au pas de course, en poussant des cris de mort, et contre laquelle il se serait inévitablement brisé. À sa droite, au contraire, à l’entrée de la rue de Buci, une vingtaine d’hommes seulement, pour l’instant. Car leur nombre allait en augmentant sans cesse, au fur et à mesure que les troupes sortaient de la rue de Seine.
C’est par là qu’il résolut de passer, avant que le barrage n’eût acquis une profondeur qui eût rendu la trouée impossible.
Ayant pris une décision, Beaurevers fit entendre du bout des lèvres une légère modulation. C’était une manœuvre qu’il ordonnait ainsi à ses quatre braves. Le commandement était à peine achevé qu’il était exécuté avec une précision mathématique, une rapidité fantastique.
Par suite de ce mouvement – qui s’accomplit sans que François et Ferrière y prissent part, sans même qu’ils s’en rendissent compte – leur dispositif de bataille se trouva ainsi constitué : Beaurevers, seul en tête, Strapafar et Corpodibale côte à côte et derrière lui, puis François et Ferrière et enfin Trinquemaille et Bouracan.
De cette manière François et Ferrière se trouvèrent encadrés avant qu’ils eussent le temps de s’en apercevoir.
Beaurevers lança son épée en l’air et d’une voix tonnante lança son cri de bataille :
« Beaurevers ! Le Royal de Beaurevers ! »
Les autres, d’une seule voix, répondirent tous, même François :
« Beaurevers !… »
Et ce fut la ruée, tête baissée…
Beaurevers, étincelant, hérissé, exorbité, effrayant, frappant de la pointe et du revers, piquant, taillant, assommant, pénétra comme un coin de fer dans la masse, brisa, disloqua les rangs, traça l’effroyable chemin sanglant sur lequel les autres suivirent.
Cela dura quelques secondes, une minute peut-être.
Et brusquement, plus rien.
Ils étaient passés, les sept braves. La rue était libre devant eux. Ils partirent, droit devant eux, au pas de course.
Au bout de quelques pas, Beaurevers se retourna, sans s’arrêter pour cela. Là-bas, c’était ce lourd silence fait de stupeur hébétée, qui suit les grandes défaites.
Cependant, Beaurevers qui avait l’œil à tout s’aperçut que François traînait légèrement la jambe. Cette marche rapide paraissait lui être particulièrement pénible :
« Vous êtes blessé, monsieur ? fit-il avec inquiétude.
– Non, rassura François. Mais en chargeant, je dois m’être foulé quelque chose… Ce n’est rien, cela se passera en marchant. »
Ces paroles, loin de rassurer Beaurevers firent grandir son inquiétude. C’est que François, malgré qu’il se raidît de toutes ses forces, avait le visage contracté par la souffrance. C’est qu’il savait mieux que personne que le roi manquait de souffle, s’épuisait facilement. Et depuis quelques heures, il fournissait un effort au-dessus de ses forces.
« Tâchons d’atteindre le pilori de l’abbé, dit-il. Dans la rue du Four, en
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