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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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je ne vous forcerai à faire quoi que ce soit.
    — Sinon à vous reprendre.
    — Pas même cela. J'attendrai que vous le vouliez. (Elle s'enhardit.) Regardez-moi dans les yeux ! Regardez-moi et dites-moi que je vous répugne encore. Si vous pouvez le dire sans ciller, sans que votre pouls s'accélère, je fais vœu de vous accorder le divorce et de m'en aller vivre en ermite sur une quelconque montagne. À moins que je ne continue de travailler pour Guérin : au début, ce n'était qu'un jeu, mais j'avoue que j'y ai pris goût.
    Cela se voyait. Quoique dix ans se fussent écoulés depuis leur dernière rencontre, elle paraissait plus épanouie, presque plus jeune.
    — Vous accepteriez ? balbutia Philippe. Vous me céderiez enfin ?
    — Vous avez ma parole.
    La voix d'Isambour n'avait pas tremblé mais il sentit tout de même ce qu'il lui en coûtait de prononcer ces mots. Sous la robe légère et le bliaud, il voyait se soulever et s'abaisser rapidement une poitrine palpitante. La réponse qu'il allait lui faire pouvait mettre un point final à une dispute entamée près de vingt ans auparavant. Trois mots suffiraient.
    — Allons, dites-le ! l'encouragea-t-elle. Dites-moi que je vous répugne !
    — Vous… commença-t-il.
    Elle était toute proche, à présent. Elle levait vers lui son doux visage à peine marqué de pattes d'oie au coin des yeux. Sa main avait glissé du bras au poignet nu du roi, y suscitant des frissons qui n'étaient pas de dégoût, loin de là. Isambour ne lui répugnait pas, non : elle était belle à damner un saint et il avait autant envie d'elle qu'au premier jour.
    Mais il y avait ses yeux.
    Il se détourna, aussi incapable de lui donner la réponse qu'elle redoutait que celle qu'elle espérait. S'approchant de la cheminée, il tisonna les braises pour se donner une contenance.
    — Guérin sait-il, en ce qui me concerne ? demanda-t-il comme si la scène qui venait de s'achever sans conclusion n'avait jamais eu lieu. Tout à l'heure, il m'a semblé…
    Isambour se contraignit à masquer sa déception. À tout le moins, il ne l'avait pas condamnée : c'était une victoire dont elle n'eût pas osé rêver la veille.
    — S'il sait, ce n'est pas de mon fait, affirma-t-elle. Mais ne m'avez-vous pas dit vous-même un jour que vos conseillers n'avaient pas forcément besoin de savoir pour deviner ?
    Philippe hocha la tête.
    — Peut-être lui en parlerai-je. Il ne semble pas effrayé par votre nature. J'ai même le sentiment qu'il vous aime bien, et il n'aime pas grand monde.
    — Je le crois aussi, mais c'est assez secondaire : si les nécessités de la politique avaient voulu qu'il m'écrase plutôt que de m'aider, il l'aurait fait sans remord. Ce n'est pas un saint, lui non plus. D'ailleurs, à part peut-être mon cher Guillaume d'Aebelholt, je n'en ai encore jamais rencontré. (Elle marqua une courte pause.) Dois-je me retirer, à présent, sire ?
    — Demeurez, répondit-il. Guérin voudra sans doute vous revoir avant votre départ. C'est moi qui vais vous laisser…
    Il fit mine de passer devant elle sans la saluer pour gagner la porte mais s'interrompit au dernier moment et se retourna. Lui prenant la main droite, il la baisa avec respect.
    — Je vous souhaite la bonne nuit, madame, dit-il. Je désire vivement que cette rencontre ne soit pas la dernière.
    Puis il sortit en se demandant pourquoi il avait parlé ainsi.
    La réponse lui apparut dès qu'il fut de retour dans sa chambre : parce que c'était vrai ; il avait envie de revoir Isambour. Ou plutôt non : il la voulait immédiatement, et dans un lit. Chez Guérin, l'espace d'un battement de cœur, il avait bien failli l'entourer de ses bras, écraser ses lèvres des siennes et la prendre sans attendre, debout contre un mur. La seule chose qui l'avait retenu, qui le retenait à présent d'aller la rechercher, c'était la certitude que l'acte ne fût pas allé jusqu'à son terme, qu'il n'eût donné à Isambour l'illusion du bonheur que pour la rejeter cruellement une fois de plus.
    Il ne voulait plus lui faire de mal.
    Le lendemain matin, durant le conseil, Barthélémy de Roye, Grand Officier du royaume depuis la mort du précédent chambrier, Matthieu de Beaumont, eut un mot qui fit très vite le tour de la cour.
    — Mais c'est la confrérie des excommuniés ! s'exclama-t-il.
    Renaud, Jean, Otton… Tous les trois, désormais, étaient rejetés par l'Église. Que le Boulonnais, persécuteur du

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