Le Temple Noir
symbolique, leurs lieux de culte. La pierre a toujours été un acte fondateur. Une pierre sacrée, pour s’attirer à la fois les dons des fidèles et la grâce de Dieu. Celle de Rome – Tu es Pierre et je bâtirai mon église sur cette pierre – qui a donné la lignée des papes. Celle de La Mecque, la Pierre noire de la Kaab’a, qui marque le centre de la foi musulmane pour des centaines de millions de croyants. Et la troisième, celle de Jérusalem. Du Temple de Salomon, le lieu le plus sacré pour les Juifs. Détruit par les envahisseurs, mais dont la pierre d’angle a été retrouvée par les Templiers. Ils n’ont fait que détourner l’énergie du cube à leurs propres fins.
Leurs chaussures raclaient la pierre des marches en cadence. Antoine avait hâte de retrouver la surface, de s’éloigner de cet endroit. Fainsworth ne s’arrêtait plus.
— La Première Alliance d’Abraham, père des trois religions, avec Dieu s’est scellée sur une pierre. Celle de l’autel du sacrifice. Comprends-tu le sens de mes paroles ? Toute religion a besoin d’une pierre, depuis la nuit des temps. Églises, synagogues, mosquées, temples païens, depuis toujours, la foi se manifeste dans la pierre, réceptacle de l’énergie de Dieu. Les Templiers ont été dépassés par leur découverte, elle leur a apporté richesse et souffrance. Le frère Roncelin le savait. Et son continuateur, Wren, a voulu amplifier la découverte.
— Ça suffit, aboya Standford. Tu finiras dans un asile.
— On veut me faire passer pour fou… très commode, je vais vous en donner de la folie, murmura Fainsworth.
Ils remontèrent les escaliers, pas à pas. Antoine était de plus en plus mal à l’aise. Ils arrivèrent au rez-de-chaussée du Royal Exchange. La musique était un peu moins insupportable. Sur le podium central, des mannequins défilaient comme des poupées mécaniques. Standford avait caché son arme sous le coffret.
— Plus vite, direction la sortie.
Jade apparut devant les barrières de sécurité.
— Qu’avez-vous trouvé ?
— Un cube dans un coffret, annonça Marcas.
— Tu te fous de moi, répliqua-t-elle. Tout ça pour ça. Et votre illuminé, on en fait quoi ?
Antoine allait répliquer quand il vit Fainsworth sortir son portable.
— Les appels d’urgence ne sont pas autorisés. Tu auras toujours le loisir d’appeler ton avocat. C’est fini pour toi.
L’aristocrate releva la tête et afficha une expression de triomphe.
— Trop tard.
— Qu’est-ce que tu nous chantes ?
— Regardez sur les écrans, là-haut.
Antoine et Standford levèrent la tête. Les écrans des marchés financiers clignotaient de toutes parts. Les chiffres passaient au rouge, comme une onde de choc. Les présentateurs des chaînes boursières découvraient en même temps les alertes et avaient l’air stupéfaits. Standford saisit le patron de Concordia par le col.
— Qu’as-tu fait ?
Le maître du Temple Noir éclata de rire.
— J’ai activé mon assurance-vie. D’ici une demi-heure, tout le système informatique de la Bourse de Londres va se paralyser. Toutes les entreprises cotées vont plonger, entraînant une fermeture de la place. Ça va être une boucherie. Il paraît que je suis fou…
— Impossible ! cria Standford.
Une Asiatique en robe cotte de mailles ondula juste derrière eux, pour se faufiler plus près du défilé. Fainsworth laissa glisser son regard sur sa silhouette élancée et reprit, d’une voix assurée :
— Il y a quelque temps, devant l’église de Temple Church, j’ai acheté à un petit génie de l’informatique un programme d’autogénération. Pour faire simple, ce système pirate fabrique des virus qui s’introduisent dans les systèmes cibles et s’approprient les programmes de défense pour sécréter de nouveaux virus. L’avantage de posséder une agence de notation, c’est de pouvoir s’infiltrer partout. Ça m’a coûté un demi-million de livres, mais le jeu en vaut la chandelle. Vous avez quinze minutes pour contacter vos supérieurs et les prévenir de ce qui les attend.
— Tu veux quoi ?
— La liberté et la pierre.
Comme pour ponctuer son avertissement, la musique du défilé avait cessé net. L’assistance médusée avait les yeux fixés sur les écrans de télévision. Les mots Krach et Urgence défilaient en continu sous les présentateurs angoissés. Des hommes en costume-cravate, portables vissés à l’oreille, se
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