Le Voleur de vent
s’est porté en reconnaissance vers l’avant, du côté de
Fontaine-Française, avec un petit parti de deux cents cavaliers et cent
arquebusiers.
Nissac arrive à l’instant où le maréchal de
Biron vient d’être blessé pour la seconde fois par l’avant-garde espagnole. Néanmoins,
le très jeune officier de marine se présente devant le roi et lui remet la
dépêche que celui-ci fait semblant de lire, ému par le courage tranquille de
celui qu’il considère comme un enfant.
Puis, à la surprise générale, Henri quatrième,
malgré ses troupes ridiculement faibles, décide de charger l’importante armée
du Connétable de Castille. Il s’écrie alors :
— À moi, messieurs, et faites comme vous
m’allez voir faire !
Mais, en ce fugitif instant, son corps se
dérobe et n’obéit point.
À deux toises, il remarque alors « l’enfant »
qui lui a remis la dépêche et le regarde, devinant la royale hésitation.
Aussitôt, en l’esprit d’une charge sans merci,
et le tout premier, « l’enfant », ce tout jeune officier, enfonce ses
talons en les flancs de sa monture tout en se cabrant sur la selle pour
accroître la pression. C’est superbe, de parfaite maîtrise et révèle un
exceptionnel cavalier.
Le grand cheval noir, pourtant fatigué, réagit
à la vitesse d’un boulet de canon. Le jeune Nissac, parti en flèche, est seul
en pointe du parti royal qui hésite. Tous sont fascinés par la façon de charger
du gamin, sabre entre les dents, un pistolet en chaque main, armes qu’il
décharge contre les premiers Espagnols, et dont deux vident les étriers.
Ce n’est point tout. À présent, Nissac tient
les rênes de son cheval entre les dents, le sabre en la main droite et, en la
gauche, une hache d’abordage qu’il cachait en l’arrière de sa selle.
Le gamin taille, sectionne, fauche… C’est à
couper le souffle. Les Espagnols regardent venir contre eux ce cavalier dont le
corps trop frêle n’est pas encore celui d’un homme, et déjà plus celui d’un
enfant.
À cet instant, pour gagner de la vitesse, le
petit Nissac se couche sur l’encolure de son cheval. On voit la crinière noire
de la bête mêlée au panache de plumes blanc, bleu et vert du chapeau du garçon.
Les rayons du soleil se reflètent en brefs éclairs sur le fil coupant du sabre
et celui de la hache qui continue à s’abattre.
Français ou Espagnols, on ne peut arracher son
regard de ce jeune cavalier. Toujours couché sur sa selle pour ne point offrir
prise au vent et gagner ainsi en vitesse, il ne se redresse, quelques secondes,
que pour lever et abattre sa hache, faire tournoyer son sabre. Il avance
follement, renverse un gros Espagnol, en bouscule deux autres, s’enfonce
toujours plus profondément en l’avant-garde ennemie.
Voici un Andalou géant, résolu, qui barre le
passage. La hache de Nissac passe à la ceinture et l’on voit la main du jeune
homme flatter en certaine manière douce et ferme l’encolure du haut cheval noir.
La monture semble comprendre, dévie légèrement sa course afin de heurter par l’épaule
cheval du géant andalou aussitôt projeté sur le sol par la violence du choc.
Affolé, le Connétable de Castille fait donner
le canon, préférant massacrer ses propres troupes que d’assister plus longtemps
à pareille humiliation. Monsieur le chevalier d’Athis, côté Français, qui tente
de rattraper Nissac, est décapité par un boulet auprès du jeune homme qui, éclaboussé
de sang, poursuit sa folle course.
Henri quatrième, avant bien d’autres, comprend
enfin le but du tout jeune officier. Ils sont trois fiers gentilshommes
espagnols, dont l’un tient la bannière du roi d’Espagne quand les deux autres l’encadrent.
Un de ceux-ci s’élance vers Nissac. Le choc
est si violent que le sabre du jeune homme reste fiché en l’œil de son
adversaire qui poursuit étrangement sur quelques foulées avant de rouler à
terre.
Le second, courageux, s’élance à son tour vers
Nissac et, en les rangs français, on se demande si cette fois…
Sans qu’il ralentisse sa folle course, la main
fine du jeune Nissac descend vers sa botte et y saisit en le revers un couteau
de lancer. Couché sur le cou du cheval, les magnifiques plumes de son panache
inclinées par le vent de la charge, il ne se redresse que pour lancer le
couteau avec une précision infaillible : l’arme blanche miroite au soleil
tel un poisson d’argent et se plante jusqu’à la garde en
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