L'énigme de l'exode

demanda-t-il.
    La question prit Knox de court. Il n’avait eu qu’une idée : fuir. Pourtant, il y avait bien d’autres questions qui exigeaient une réponse urgente : quand avait-il eu cet accident ? qui essayait de le tuer ? Son dernier souvenir, c’était cette terrasse où il avait retrouvé Augustin pour prendre un café. Son ami savait peut-être quelque chose. Il marmonna son adresse au chauffeur et se laissa tomber sur la banquette, à bout de forces.

    III
    — Êtes-vous obligée de rester plantée là ? demanda Stafford, contrarié. Vous êtes dans mon champ de vision.
    Désappointée, Gaëlle regarda autour d’elle. Maintenant que Lily en avait terminé avec la stèle frontière, Stafford effectuait les réglages pour se filmer lui-même devant la grande étendue du désert, si bien que Gaëlle se trouvait soit dans son champ de vision, soit dans le champ de la caméra.
    — Venez avec moi, dit Lily à Gaëlle en lui indiquant une petite piste à flanc de colline. J’ai fait ma partie du job.
    La piste était encombrée de morceaux de schiste argileux, mais elles ne tardèrent pas à arriver sur un plateau offrant une vue imprenable sur la plaine de grès pâle et sur la fine bande de végétation qui dissimulait le Nil.
    — Ouf ! souffla Lily. Cela ne devait pas être facile de vivre ici.
    — À midi, ce sera encore pire, dit Gaëlle. Et nous ne sommes pas en été. On n’oserait même pas bâtir une prison, ici.
    — Alors pourquoi Akhénaton a-t-il choisi cet endroit ? Cela ne peut pas être uniquement parce que le soleil se lève entre deux falaises.
    — Amarna était une terre vierge, qui n’avait jamais été consacrée à aucun dieu. C’est peut-être la clé. Et puis, l’Égypte était la fusion de deux territoires, la Haute-Égypte et la Basse-Égypte, qui se sont toujours disputé le pouvoir. Amarna se situe à la frontière de ces deux terres. Akhénaton y a peut-être fondé sa capitale pour des raisons stratégiques. Cela dit, il existe d’autres théories.
    — Lesquelles ?
    — C’est là qu’Akhénaton a bâti son palais, indiqua Gaëlle, le doigt pointé vers le nord, là où le croissant des falaises rejoignait le Nil. Il y a beaucoup d’ombre naturelle et la proximité du Nil lui a permis de créer des bassins et des jardins splendides. Lorsqu’il devait se rendre dans la partie principale d’Amarna, il prenait son char et des soldats couraient à côté de lui pour le protéger du soleil.
    — Il y en a qui ne s’embêtent pas...
    — Comme vous dites ! Il y avait des centaines et des centaines de tables d’offrandes dans le grand temple d’Aton. Lors des cérémonies, elles débordaient de viande, de fruits et de légumes. Et pourtant, les restes humains trouvés dans les cimetières montrent des signes évidents d’anémie et de malnutrition. Il existe même une lettre écrite par Ashur-Uballit, un roi assyrien, qui dit : « Pourquoi mes messagers doivent-ils rester en plein soleil ? Ils vont mourir en plein soleil. Si le roi aime être en plein soleil, qu’il y reste. Mais, vraiment, pourquoi mes hommes devraient-ils souffrir ? Cela va les tuer. »
    — Vous pensez qu’Akhénaton était un sadique ?
    — C’est possible. Si votre patron a raison, si Akhénaton souffrait d’une maladie horrible, il a pu prendre du plaisir à voir souffrir les autres.
    — En effet.
    — Mais je n’en sais rien. Personne ne le sait. Ni moi, ni Fatima, ni votre patron. Nous n’avons pas assez de preuves. J’aimerais que vous trouviez un moyen de le faire comprendre aux téléspectateurs de votre documentaire. Tout repose sur des hypothèses, et non des faits. Tout !
    — En particulier ce dont Fatima nous a parlé hier soir, risqua Lily.
    — C’est-à-dire ?
    — Ces talatates montrant Akhénaton sans organes génitaux... Cela vous dérange d’en parler, n’est-ce pas ? C’est pour ça que vous êtes allée vous coucher.
    Gaëlle se mit à rougir.
    — Je pense qu’il est trop tôt pour en tirer des conclusions.
    — Alors pourquoi Fatima nous en a-t-elle parlé ?
    — Cette région est magnifique. Son histoire est fascinante, les gens sont charmants, mais personne n’y vient jamais. Fatima aimerait que les choses changent.
    — Et nous allons servir d’appât.
    — Je n’aurais pas dit ça comme ça.
    — Mais c’est très bien ! se réjouit Lily en regardant l’horizon. Je serais ravie que le documentaire ait un impact positif.
    — Merci.
    Lily sourit et se