Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
d’avance le vouer à l’échafaud. Pas plus que Danton, Claude ne souhaitait cela. Danton avait répondu aux Cordeliers impatients de voir s’ouvrir le procès : « Je n’aime pas le sang des rois vaincus. » M me  Roland, si sévère à l’égard du souverain, se montrait sensible au sort de l’époux, du père. Avec elle, son ami de plus en plus cher : Buzot, et Vergniaud, Brissot, Lanjuinais, Sieyès, Condorcet, l’abbé Fauchet désiraient épargner cette vie. Mais le reste de la Gironde ne les suivait pas. Les jeunes : les Ducos, les Valazé, les Fonfrède, la tête encore farcie d’exemples classiques, prétendaient être aussi impitoyables pour un criminel de lèse-nation que l’antiquité l’avait été envers ses tyrans. « Le peuple, disait Fonfrède, ne sera pas définitivement libre avant d’avoir passé sur le cadavre d’un roi. La victime est coupable, il n’y a point de crime à l’immoler. Les Cordeliers, la Commune, les sociétés populaires, les journaux, les pétitions des départements nous imposent de juger Louis XVI. Si nous résistons à la voix du peuple il nous désavouera, il se jettera tout entier à Robespierre, à Danton, à Marat. L’échafaud du roi sera le trône de leur faction. Nous laisserons l’empire à des coquins, notre scrupule aura perdu la Révolution. »
    Robespierre ne disait rien. Malade, il ne quittait pas la chambre, sans pour cela cesser de suivre avec attention le cours des événements. Claude l’avait visité plusieurs fois et trouvé d’abord surpris par l’agitation qui se manifestait en province. Çà et là, des troubles graves éclataient à propos de la pénurie des subsistances. « Ce n’est pas nouveau, observa-t-il, et pourtant cela n’a jamais donné lieu à des mouvements si violents, si uniformes, si répandus. On les croirait organisés. » Bientôt il ne douta plus qu’il n’y eût là une conjuration montée par les Brissotins pour empêcher par ces troubles le jugement du roi. De toute évidence Brissot, Roland, Buzot et leurs partisans, se rendant compte qu’au contraire de leurs espérances la république ne leur donnait pas tout le pouvoir dont ils voulaient disposer, projetaient de sauver Louis XVI afin de le rétablir sur le trône et de gouverner en son nom. Devant Saint-Just, Claude et Le Bas, Maximilien énuméra mainte preuve, selon lui, de ce dessein. « L’unique façon d’y faire échec, dit-il, est d’obtenir rapidement la condamnation du roi. »
    Que les Brissotins voulussent le pouvoir pour eux seuls, cela ne laissait aucun doute. Ils n’hésiteraient pas à provoquer ou entretenir des troubles pour y parvenir, pas même à diviser dangereusement le pays. Quant à imaginer Buzot, Roland et surtout Manon envisageant de rétablir Louis XVI, c’était entièrement absurde. Claude s’efforça de le démontrer, sans gagner le moins du monde sur l’esprit de Maximilien, qui mit fin assez sèchement à cette discussion.
    Ainsi donc le ci-devant monarque semblait emporté vers l’échafaud par une fatalité à laquelle tout concourait. N’existait-il pourtant pas un moyen de la renverser ? Un homme, un seul, en serait capable, peut-être : Marat. On ne le voyait plus depuis une quinzaine. Persécuté par les jeunes Rolandistes qui ne lui pardonnaient pas de leur avoir échappé, à la Convention, il se cachait une fois de plus. Il se rattrapait en lançant feu et flammes dans ses journaux. Claude, se rappelant les recommandations de l’ami du peuple, plutôt modérées à propos de la famille royale, la veille du 10 août, pensait que Marat n’était pas lui non plus tellement assoiffé du sang de Louis XVI. Il résolut d’aller lui parler. Il se fit conduire par Legendre. La maison – la seconde après la demeure à tourelle qui faisait l’angle de la rue du Paon – au n o  20 de la rue des Cordeliers, très proche de la cour du Commerce, était bourgeoise. Son aspect contrastait fort avec celui de son plus célèbre locataire. Le large porche cintré s’ouvrait entre deux boutiques. Il menait à une petite cour grise, avec un puits dans un angle. L’ex-boucher entraîna Claude à droite, sous une arcade où il salua au passage la portière : la citoyenne Marie-Barbe Aubin, borgnesse à l’œil de verre, qui pliait dans sa loge des numéros du Journal de la République. L’escalier en pierre, à rampe de fer forgé, montait en s’arrondissant jusqu’à un long palier. A chaque

Weitere Kostenlose Bücher