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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’abord Roland et Clavière presque enchantés du Roi, le croire sur parole et se réjouir de la tournure que ne pouvaient manquer de prendre les choses. Bon Dieu ! leur disais-je, lorsque je vous vois partir pour le Conseil dans cette disposition confiante, il me semble toujours que vous êtes prêts à commettre une sottise. Pour moi, je n’ai jamais pu croire à la vocation constitutionnelle d’un roi né sous le despotisme élevé pour lui et habitué à l’exercer. Il faudrait que Louis XVI soit un homme fort au-dessus de l’ordinaire, pour vouloir sincèrement une constitution qui restreint son pouvoir. Et s’il était cet homme, il n’aurait pas laissé survenir les événements qui ont nécessité la Constitution.
    — C’est justement raisonné », reconnut Robespierre.
    Claude approuva également, mais il pensait : Alors, pourquoi a-t-elle poussé son mari à servir ce roi en qui elle n’a pas confiance ? Ma chère Manon, vous montrez là que vous avez sacrifié la logique à la vanité.
    « On constate bien maintenant, continuait-elle, l’hypocrisie du monarque. Sa façon de remettre toujours d’un Conseil à l’autre la sanction des décrets sur les réfractaires achève de le dévoiler. »
    C’était un peu tard pour reconnaître une erreur contre laquelle Claude avait mis en garde les Roland. Il se demanda si ce renouveau d’amitié après quelque froideur, ces confidences devant Robespierre, ne couvraient pas un dessein de rattraper la faute et de ménager l’avenir.
    « Madame, dit-il, le Roi atermoie dans l’espoir, tout simplement, que Brunswick et Bouillé seront bientôt à Paris. Il faudrait être singulièrement naïf pour attendre autre chose du ménage royal. Personne ne saurait plus garder d’illusion là-dessus. »
    Et voilà que la route de Paris semblait ouverte aux Autrichiens par la double déroute de Tournai et de Mons. Tenant Quiévrain, Brunswick et Bouillé pouvaient, par une pointe rapide à travers la Picardie, atteindre la capitale sous quatre ou cinq jours. Le 3o, on eut un peu plus de détails. Dans les deux cas, c’était la cavalerie d’avant-garde, les dragons aristocrates, qui avaient tourné bride en criant « Sauve qui peut ! nous sommes trahis ! » alors qu’à Mons ils ne voyaient pas encore l’ennemi. À Tournai, dans leur fuite, ils avaient passé sur le corps aux volontaires de la garnison de Lille amenés par Dillon, commandant de la place ; d’où l’accusation de trahison et la fureur contre celui-ci. Les gazettes criaient au désastre national, s’en prenaient aux soldats, aux généraux, au ministre Degrave. En examinant les choses avec calme, Claude les jugea déplorables, certes, mais d’une gravité limitée. La débandade d’un corps de troupes ne mettait pas en péril toute l’armée du Nord. Celle de La Fayette, allongée entre la Meuse et les Vosges, menaçait trop le flanc des Autrichiens pour qu’ils ne voulussent point assurer leurs positions et leurs arrières avant le risquer une lointaine incursion en territoire français. Le péril n’avait pas changé. Il ne provenait point de ce petit revers : il demeurait dans l’incapacité des ministres paralysés, dans l’esprit contre-révolutionnaire des bureaux, de la Cour, de presque tous les chefs militaires, d’une partie des troupes, dans les menées de tous les ennemis de la nation qui mettaient leur espoir en une défaite. La déroute n’était un désastre que pour les Brissotins. Ah ! ils avaient voulu la guerre ! Ils allaent payer leur folie.
    Ce soir-là, en arrivant au club – un peu tard, car il avait été retenu à son cabinet – Claude trouva tout disposé pour une attaque en règle. Danton était là, flanqué de son acolyte : le jeune Tallien au nez charnu et proéminent, avec les principaux membres cordeliers, dont Legendre, Dubon, Fréron. Sous les lustres de tôle, les hauts gradins regorgeaient. Lise eut peine à prendre place dans la tribune des femmes. Robespierre prévint Claude qu’il allait couper les ponts avec les Brissotins. Il ne pouvait s’agir de discussion : Brissot et tous les députés étaient en séance de nuit au Manège où l’Assemblée prenait des mesures pour maintenir la discipline dans les armées et punir les assassins de Dillon. Maximilien prononça un réquisitoire auquel la Société, entraînée par Tallien, Legendre, Fréron, satisfit en désavouant les Girondins et en déclarant qu’elle

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