Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
part de vérité ».
Nous n’avons peut-être pas entendu parler de manquements à la sécurité au sein du Park parce qu’il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet sensible. Un épisode dramatique de 1942 montre cependant que les nazis avaient accès aux clés de chiffrement britanniques.
Vu tout ce que savaient les Britanniques sur Enigma dès le début de la guerre, il était clair que le développement d’un système plus complexe s’imposait. Ce fut Typex (ou « Type X »). Grâce à Bletchley, des règles draconiennes d’utilisation de ce système furent diffusées : par exemple, aucun nom ni prénom ne devaient être utilisés dans un message codé (comme on l’avait constaté avec Enigma, cela rendait les mots probables plus faciles à trouver).
Malgré tout, en 1941, au cours de la campagne d’Afrique du Nord, Rommel sembla jouir d’un don de vision surnaturel de chaque mouvement de Montgomery, qui lui permit de dominer les Britanniques très facilement en manœuvrant plus habilement. La frustration et l’anxiété grimpèrent d’un cran. Le renseignement britannique savait que cela devait être dû à un problème de sécurité. Il avait vu juste.
Bletchley Park déchiffra un message italien disant que Rommel devait son succès au fait que les messages chiffrés envoyés depuis Le Caire étaient lus. Churchill fut informé et les Américains prirent rapidement l’affaire en main. Le malheureux responsable des fuites était un certain colonel Fellers, qui avait simplement transmis à ses supérieurs à Washington des informations sur les positions britanniques. L’enquête diligentée aboutit à la conclusion qu’il ne s’était pas rendu coupable de trahison. Le code qu’il avait employé était tout simplement très facile à craquer.
Les hommes et femmes de Bletchley allaient devoir vivre pendant des décennies avec le poids du secret, immense et obsessionnel. Mais, à l’époque, vu l’énorme pression qu’ils subissaient, de quelles soupapes de sécurité disposaient-ils ? La vie artistique du Park en constituait une, extraordinairement efficace. Ce qui avait démarré les premiers temps par de petits clubs et sociétés était devenu, en 1943, un éventail d’événements de musique classique, opéra, danse et théâtre amateur. Le personnel de Bletchley travaillait dur, mais savait qu’il lui était nécessaire de s’amuser afin de garder l’esprit vif. Et la nature des activités culturelles auxquelles il s’adonnait nous en dit beaucoup sur les aspirations d’une jeune génération intelligente et distinguée.
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La vie culturelle de Bletchley Park
Quand on écoute aujourd’hui des chansons et artistes de music-hall anglophones du temps de la guerre, il s’agit généralement de ce qui était proposé aux soldats et joué dans les dancings et les usines : Flanagan and Allen, George Formby, Tommy Trinder, Arthur Askey, les Andrews Sisters, Anne Shelton, Billy Cotton and his Band, Jack Buchanan, Vera Lynn. Le ton réchauffait en permanence les cœurs en toute simplicité, des suggestions risquées de George Formby sur ce qu’il devait faire avec son masque à gaz à Vera Lynn et ses falaises blanches. Cela ne veut pas dire que ces divertissements étaient naïfs, mais qu’ils se situaient à un niveau émotionnel apprécié de tous. La culture populaire par excellence.
Mais, détail révélateur, le type de culture que les pensionnaires de Bletchley Park affectionnaient était, depuis le départ, plus sensiblement intellectuel. On sent bien que ce n’était aucunement délibéré. Nombre de ces jeunes cryptanalystes et linguistes avaient été arrachés de leur vie universitaire, à une époque où moins de cinq pour cent des jeunes allaient à l’université. En outre, une partie de leur éducation avait consisté à leur inculquer l’amour de l’art.
En dehors du Park, même pour ceux ayant reçu une éducation relativement élémentaire, on commençait à percevoir l’art comme une chose que tout le monde pouvait apprécier et non l’apanage d’une élite urbaine aisée. Le philosophe Bryan Magee, par exemple, se rappelle que lorsqu’il a atteint l’adolescence pendant la guerre, le désir d’écouter de la musique classique, mais aussi de voir des pièces de théâtre de qualité, l’a envahi. Dans l’enceinte du Park, ils réussissaient à profiter d’une extraordinaire gamme d’activités culturelles.
Oliver et Sheila Lawn ont des
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