Les joyaux de la sorcière
pays et l’idée m’est venue de le revoir…
— Sans votre femme ?
— Sans ma femme… mais avec des amis : Monsieur Gilles Vauxbrun l’antiquaire renommé de la place Vendôme ici présent et la baronne von Etzenberg. Ils m’ont convaincu du plaisir que l’on retire d’une traversée sur l’ Île-de-France .
— Sans autre raison ? Je sais que tous les passagers de ce bateau chantent ses louanges…
— Ils ne les chanteront jamais assez ! C’est simple : à part une allée cavalière pour les passionnés d’équitation, une route pour les fanatiques de l’automobile et un bois pour les amoureux de promenades en forêt, il ne manque absolument rien de ce qui peut rendre la vie agréable. En résumé : je suis en vacances, Mademoiselle. Et très heureux de l’être !
Sous ses sourcils froncés l’œil bleu de Nelly se chargea de soupçons :
— Je ne vous crois pas ! déclara-t-elle sans ambages.
— Libre à vous ! C’est pourtant la vérité !
— Sûrement pas ! Quand on habite un palais à Venise…
— Quand donc cessera-t-on de me servir ce cliché ? Un palais à Venise, c’est exactement comme un château en France ou un appartement sur votre 5e Avenue : il vient toujours un moment où l’on a envie d’en sortir. Surtout quand, en outre, on y travaille…
— Vous avez l’intention de rester longtemps ?
— Je ne sais pas encore. Demandez à Monsieur Vauxbrun ! ajouta Aldo avec malice…
— Et pourquoi pas à moi ? intervint Pauline. Je reviens aux États-Unis pour y rester et je souhaite montrer à mes amis quelques-uns des agréments de la vie new-yorkaise… certaines fêtes notamment et, ajouta-t-elle en prenant chacun des deux hommes par un bras, ce qui offrit au photographe l’occasion d’un bon cliché, nous allons bien nous amuser !
Pour Aldo il était évident que la jeune personne ne la croyait pas plus que lui. Mais elle avait encore de la ressource :
— Ils vont descendre chez vous dans Park Avenue ?
— Chez mon père ? Certainement pas ! Quant à moi j’habite Washington Square et mon atelier tient presque toute la place disponible. Mais il y a ici d’excellents hôtels, ironisa Pauline plus baronne que jamais. Voilà, je crois que vous savez tout à présent…
Ce n’était pas l’avis de la journaliste. Elle ne bougea pas d’une ligne, continuant d’écrire Dieu sait quoi sur son bloc :
— Lequel ? demanda-t-elle sans regarder les trois compères.
— Le Plaza ! lâcha Morosini agacé. Et maintenant Mademoiselle, nous souhaiterions aller saluer le Commandant Blancart et le remercier avant de quitter son navire…
— Mais faites donc ! dit Nelly en refermant son carnet et en lui décochant un large sourire. Et amusez-vous bien !
D’une main ferme, elle renfonça sur sa tête le bonnet aux vives couleurs qui lui donnait l’air d’un lutin et que le vent dérangeait puis toujours suivie de son photographe elle rejoignit ses confrères et la masse des passagers qui s’apprêtaient à quitter le bateau maintenant à quai. Un quai où il y avait autant de monde qu’au départ. Ce n’étaient pas les mêmes mais déjà le trépidant vacarme de New York sautait au visage, cacophonie de klaxons, de sirènes, de bruits de chantiers, de ronflements de moteurs et d’une clameur imprécise, un bourdonnement continu qui était la voix même de cette ville qui ne dort jamais.
S’attardant sur le pont, Morosini vit Vidal-Pellicorne descendre l’un des premiers avec sa compagne reçue avec autant d’empressement qu’une star de Hollywood et monter à sa suite dans une énorme limousine noire conduite par un chauffeur en livrée blanche. Il se demanda si la belle Alice allait déposer Adalbert dans un hôtel ou bien lui offrir l’hospitalité ? Et il comprit qu’il avait pensé tout haut quand Pauline lui répondit :
— Les Astor possèdent plus de deux mille maisons dans l’État de New York. Vous pouvez être sûr qu’elle va l’installer sinon chez elle, ce qui serait délicat étant en instance de divorce, du moins à portée de la main. Donc pas question d’un lieu aussi public qu’un hôtel où il pourrait vous rencontrer !
— J’aimerais savoir ce que je lui ai fait ? Elle me regarde comme si j’étais son ennemi juré !
— Vous êtes son rival et elle doit vous exécrer d’autant plus qu’en d’autres temps et en d’autres circonstances elle se fût certainement donné un
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