Les joyaux de la sorcière
dans le style néoclassique. Plus au nord encore les New York Police Headquarters se trouvaient dans un bloc délimité par Hester Street, Grand Street, Brome Street et Baxter Street où était l’entrée principale flanquée d’énormes lanternes de bronze (16) .
Le taxi qui déposa Aldo devant la porte accepta d’autant plus volontiers de l’attendre que, bavard et curieux comme à peu près les trois quarts de ceux de sa corporation, il avait vainement cherché à savoir ce que son élégant client venait faire chez les flics.
Sans avoir le côté monumental du Municipal Building avec sa base à colonnades, ses quatorze étages et son sommet à trois tambours – toujours à colonnades ! – lui donnant l’air d’un gâteau de mariage sommé d’une statue de la Gloire Civique, le quartier général de la Police était un bâtiment imposant dont la courbe d’un grand escalier occupait une partie du rez-de-chaussée. Quant à l’atmosphère, c’était la même que celle respirée à Scotland Yard ou au Quai des Orfèvres : allées et venues rapides, légère fièvre, fumées de tabac et mauvaise humeur chronique. Où les choses différaient quelque peu c’était au niveau des dimensions des bureaux, celui de Phil Anderson se révélant plus vaste que ceux de Langlois et Warren réunis. Il est vrai qu’il s’agissait là du grand patron, ce que n’était encore aucun des deux autres. Les murs étaient couverts de bibliothèques plus ou moins en désordre alternant avec des trophées, des fanions et le drapeau des États-Unis. Un énorme bureau occupait le centre sous un épais nuage de fumée au milieu duquel, tel Bouddha surgissant des volutes de l’encens, trônait le chef aux yeux mi-clos derrière de larges lunettes d’écaille.
Un cigare d’une main, il réussit à extraire sa vaste personne du fauteuil tournant qui la contenait et tendit l’autre, large comme une assiette, à son visiteur avec une cordialité à laquelle aucun de ses confrères n’avait habitué Morosini. Sur le sous-main de cuir posé devant lui, était posée la carte de Warren que l’on venait de lui faire passer.
— Bienvenue ! tonna-t-il d’une voix de basse taille. C’est un plaisir de recevoir un ami de Warren ! Comment va le cher vieux crocodile ?
— Au mieux quand je l’ai vu, il y a quelques semaines, répondit Aldo amusé par l’appellation : il semblait qu’on ne pût comparer le Surintendant qu’à des animaux préhistoriques.
— Parfait ! Asseyez-vous et racontez-moi votre histoire ! Warren m’écrit que vous avez à vous plaindre de cette crapule de Ricci ?
Anderson cracha le nom plus qu’il ne le prononça. En même temps son visage épanoui, jovial et bien nourri dans lequel les petits yeux noirs ressemblaient à des pépins de pomme, s’assombrissait.
— Jusqu’à présent, je n’ai pas eu à m’en plaindre personnellement. Je me suis seulement trouvé mêlé à une vilaine affaire dans laquelle je suis persuadé qu’il a joué un rôle déterminant. Cela dit, ajouta Aldo avec un sourire, je ne voudrais pas que vous me preniez pour un Latin imaginatif et agité…
— Ne vous tourmentez pas pour ça, mon garçon ! Je sais qui vous êtes !
— Ah oui ! Vous m’en voyez surpris… et flatté !
— À plusieurs reprises j’ai séjourné en Europe et je me suis toujours intéressé à ses trésors comme nombre de mes compatriotes. Dans le monde de la joaillerie, en particulier dans la partie des bijoux anciens et de leurs aventures, vous faites autorité. Comme il arrive parfois que certains fassent parler d’eux ici, cela fait partie de mon job autant que de mes goûts. Et maintenant dites-moi ce que vous savez de Ricci ! Où l’avez-vous rencontré ?
— À Paris alors que je déjeunais au Ritz avec un compatriote, le peintre Giovanni Boldini…
Anderson tourna la tête pour postillonner une particule de cigare.
— Lui aussi je connais ! Content de savoir qu’il est toujours vivant.
— Certes mais il décline et le récent incendie qui a failli détruire sa maison l’a beaucoup affecté…
— Signé Ricci ?
Morosini eut un geste évasif :
— Je le pense… sans en avoir la preuve.
— Il n’y a jamais de preuves avec lui. C’est l’une de ses forces. Mais poursuivez ! Je ne vous interromprai plus !
Il tint parole, se contentant de souffler de furieuses bouffées à certains moments du récit et, à d’autres, de laisser la
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