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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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violence, et rien ne lui prouvait qu’il en verrait la fin. Il essaya d’imaginer son arrivée à Gratot : leur arrivée, mais les images que lui fournissaient ses pensées ne correspondaient en rien à ce qu’il souhaitait. Il conservait la conscience aiguë d’un fourvoiement, même quand il posait ses yeux las sur Blandine. Elle lui avait juré sa foi, son amour, sa tendresse et il s’aperçut, soudain qu’il s’exaspérait des regards que les Birot portaient alternativement sur ses épaules et sa poitrine.
    « Que croient-ils donc ?… Nous sommes à Fougères, non à Rome !… Qu’ils pensent à forniquer leurs concubines s’ils en sont affriandés !… Il se peut qu’ils en soient capables et qu’ils aient avalé un remède en allant quitter leurs penailles ! »
    Comme Joubert se coupait une tranche de pâté de porc, Ybert déclara que les Mahomets perdaient gros à ne pas toucher à cette viande ; Bernier remarqua que les Juifs étaient tout aussi stupides et ajouta que les meilleurs pâtés de goret qu’il connût étaient apprêtés par les clarisses de la Guerche : elles cuisinaient si divinement, et des mets tellement relevés (il fit un geste obscène) qu’un jour, recevant le légat du Pape et sa suite, ces dignes convives, après s’être jetés sur la pitance, s’étaient fort essannés [155] . Jusqu’à connaître avec ces bonnes dames, les délits [156] du paradis.
    On rit mollement. De nouveau, Ybert appuya sur Blandine un regard précis, puis se reprit quand il reçut sur son dos un petit coup de poing de Guinarde. Alors, Bernier, qui ne voulait pas être en reste, raconta que le baron de la Croixille avait sept concubines : trois brunes, deux blondes, deux rousses. Il les avait fait dresser aux jeux de l’amour par une femme qui avait été des orgies de la tour de Nesle.
    — Elles venaient nous voir à travers les barreaux de notre geôle ! Elles nous montraient leur… nudité, puis elles partaient derrière les torches que tenaient deux d’entre elles, en riant…
    Blandine se pencha :
    — Il te fait rêver, mon époux.
    — Non.
    Il n’y avait guère de différence entre la blancheur du tablier [157] et celle de la jouvencelle. Ybert, debout, brandit son hanap et porta la santé à la « femme aux cheveux d’or ». On se leva. On chancelait. Lehubie, Bazire et Delaunay, plus droits que Joubert, Gardic et Tinchebraye, se moquèrent de leurs compagnons. Le pennoncier et son compère excipèrent de leur fatigue :
    — On était à Poitiers, nous, dit le grand archer. Et dans une appertise où vous auriez souillé vos braies…
    — On a pas eu le temps de voir si les vôtres étaient merdeuses au retour, dit Bazire.
    Comme Joubert se précipitait sur le gars de Livarot, toujours hilare, Ogier le saisit aux épaules et, le repoussant doucement :
    — Allons !… Ces trop bons vins vous ont emmaladis… Contenez-vous !… Vous croyez-vous sur un foirail ? En taverne ou au bordeau ?
    Si la querelle s’envenimait, il en subsisterait des traces. Il pria Marguerite et Guinarde de conduire ses soudoyers à l’écurie.
    — Je ne tolérerai aucune querelle entre vous ! Pour moi, vous vous valez tous… Vos mérites sont différents et je saurai les employer !… Couchez-vous et dormez. Demain, je veux vous voir réjouis d’être unis les uns aux autres par une amitié qui défiera les buveries !
    Il ne put ajouter un mot, car pour la soustraire aux remous de l’esclandre, Yvonne entraînait Blandine en la prenant par la taille tout en lui prédisant qu’elle aurait grande satisfaction de sa chambre.
    Sans même se soucier de saluer ses hôtes et les servantes occupées à dégarnir la table, Ogier suivit les deux femmes dans la volute d’un escalier en haut duquel un falot jetait une lueur tremblée sur une porte à tympans ciselés.
    — Allons, la bonne nuit !… Vous dormirez comme des anges, dit Yvonne, un tantinet compassée.
    Et courant presque pour rejoindre l’un des Birot, elle dévala les degrés de pierre.
     
    *
     
    Suivant son épouse, Ogier pénétra dans une pièce au plafond alourdi de larges poutres peintes. Fleurs, feuillages et petits animaux s’y mêlaient : oiseaux, souris, limaçons et abeilles semblaient vivre aux clartés tremblées de quatre cierges posés par paires sur le bahut et le linteau de cheminée où dansait un feu léger.
    Il y avait un lit dans un angle, dans l’autre une table supportant des bassines

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