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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Fogacer avec un
billet quérant de lui qu’il me vînt d’urgence visiter à l’heure qu’il trouverait
la plus convenable, une petite intempérie me contraignant à garder la chambre.
    Il survint en bourrasque sur le coup de onze heures, refusa
tout à trac la collation que je lui offrais, me dit d’emblée qu’il était fort
pressé, s’assit à grande distance de moi, la moitié d’une fesse sur une
escabelle et une de ses longues pattes repliée sous lui comme pour décoller
plus vite de son siège et me pria de lui dire en peu de mots, paucis verbis, de quoi, de qui, de qu’est-ce il s’agissait. Sans nommer ni décrire la
narratrice, je lui fis le récit de la chute présumée de la reine et lui
demandai si, d’après ses sources, il le trouvait vrai. Il poussa un soupir.
    — C’est grande pitié, dit-il, d’être obligé de passer
par ces petites sottes-là pour avoir un enfant. Le Seigneur eût bien dû y
regarder à deux fois avant de leur confier cette tâche.
    — Et à qui d’autre ? dis-je en riant. Mais
revenons à nos moutons. L’histoire de la chute de la reine dans la grande salle
du Louvre est-elle vraie ?
    — Hélas !
    — Hélas oui ? ou hélas non ?
    — Hélas oui ! La chose est vraie comme
Évangile !
    — Puis-je citer votre source, Monsieur le
Chanoine ?
    — Nenni. Si les sources de notre Sainte Église sont
sûres, c’est en raison de la discrétion qui les entoure. En revanche, nous
serions très heureux, si vous en disiez votre râtelée au roi. Nous n’avons pas
encore trouvé le moyen de lui faire savoir la vérité.
    Là-dessus, après m’avoir salué, il s’ensauva comme il était
venu, en coup de vent, étant effrayé par le contact des malades, bien qu’il fût
médecin et bon médecin. Mais il se sentait bien plus heureux, maintenant qu’il
était chanoine devenu, jouissant de sa grasse prébende et se douillettant comme
un chat.
    Deux jours plus tard, rétabli, ou comme disait mon père en
langue d’oc, « rebiscoulé », je partis sur les traces du roi,
lesquelles n’étaient point difficiles à discerner, car partout où il était
passé, on ne parlait que de lui. L’ayant enfin rejoint à Tours où il me fit bon
accueil, je lui trouvai la mine fraîche et gaie qu’il avait toujours en
campagne, vêtu comme ses soldats, mangeant comme eux et peu difficile sur le
gîte. J’eus quelques scrupules à troubler tant de belle et plaisante humeur,
mais dès le second jour de mon advenue, je lui demandai la grâce de lui parler
en particulier et je lui fis quasi en tremblant mon conte, alors que dans un
bois où il courait le cerf, il m’avait appelé à me mettre au botte à botte avec
lui pour m’ouïr.
    Il pâlit excessivement à m’entendre, de douleur ou de
colère, je ne saurais dire, et quand j’eus fini, il me dit d’une voix à peine
audible :
    — Siorac, êtes-vous bien assuré que ce récit soit
vrai ?
    — Oui, Sire, c’est ma conviction. Je l’ai appris de
deux sources que je ne peux nommer, mais qui concordent.
    Il fut alors une pleine minute sans parler, le visage
toujours aussi blême, mais son œil noir étincelant en son ire. Enfin, avec un
soudain retour de son bégaiement, il me dit :
    — Venez, Siorac, nous rentrons au logis.
    Et là-dessus, il partit au galop, moi-même le suivant, non
sans peine, ma jument ne valant pas son hongre, tant est que j’arrivai au logis
cinq minutes après lui.
    — Que faisiez-vous donc, Siorac ? dit-il avec
irritation. Vous traînassiez !
    Puis d’une voix rude, il renvoya Soupite et Berlinghen, et
leur commanda de fermer l’huis sur lui et d’empêcher quiconque de le venir
déranger.
    — Siorac, dit-il plus doucement, voulez-vous pas me
servir pour une fois de secrétaire à main ?
    — Volontiers, Sire, dis-je.
    Et ouvrant une écritoire qui se trouvait sur une petite
table, je m’assis devant elle et taillai hâtivement la plume que j’y trouvai.
    Louis me dicta trois lettres d’une voix hachée. L’une à
Madame de Luynes, l’autre à Mademoiselle de Verneuil, la dernière à la reine.
Ces trois lettres étaient brèves, sèches, impérieuses et celle destinée à la
reine ne comportait en sa formule finale aucun des enchériments dont Louis
était coutumier envers son épouse.
    À toutes trois, les lettres annonçaient qu’il allait
« mettre bon ordre dans la maison de la reine », ajoutant qu’un
gentilhomme de la Chambre qui leur porterait ces

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