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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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dirai à Alfred ton insolence. Tu
peux en être certain.
    Il continua de geindre, mais je n’écoutais
plus car nous étions arrivés en vue de Cetreht et de la Swale. Le fort romain
était à petite distance de la rive sud, les anciens murs de terre formaient un
large carré autour d’un village où se dressait une église. Au-delà du fort se
trouvait le pont de pierre qui faisait passer la voie romaine allant d’Eoferwic
vers le nord. Une moitié d’arche était encore debout.
    Alors que nous approchions, je vis que le fort
était rempli de gens et de chevaux. Une bannière flottait au pignon de l’église,
probablement celle de Guthred, représentant saint Cuthbert. Au nord de la rivière,
quelques cavaliers coupaient la fuite de Guthred, tandis que les soixante
hommes de Rolf attendaient dans les champs au sud, comme des chiens acculant un
renard.
    Ragnar avait vérifié son cheval et ses hommes
s’apprêtaient au combat, enfilant leurs boucliers et faisant glisser leurs
épées dans leurs fourreaux en attendant les ordres. Je contemplai la vallée. Le
fort était un refuge sans espoir. Ses murs s’étaient à demi effondrés dans le
fossé et il n’y avait nulle palissade, si bien qu’on pouvait enjamber les
remparts sans peine. Les soixante cavaliers, s’ils l’avaient voulu, auraient pu
entrer dans le village, mais ils préféraient tourner autour en criant des
insultes. Les hommes de Guthred les observaient depuis le fort. D’autres
étaient attroupés autour de l’église. Ils nous avaient vus sur la colline et
devaient penser que nous étions de nouveaux ennemis, car ils se précipitèrent
sur les restes du rempart sud. Gisela se trouvait-elle avec eux ? Je me
rappelais sa tête penchée et ses cheveux cachant ses yeux, et inconsciemment je
fis avancer mon cheval de quelques pas. J’avais passé deux années d’enfer à la
rame de Sverri, mais j’étais arrivé au moment dont j’avais rêvé durant tout ce
temps, et je n’attendis pas Ragnar. J’éperonnai mon cheval et descendis seul
dans la vallée de la Swale.
    Bien entendu, Beocca
me suivit, braillant qu’en tant qu’ambassadeur d’Alfred il devait arriver le
premier en présence de Guthred mais je l’ignorai, et à mi-chemin de la pente il
tomba de selle. Il poussa un cri déchirant, je le laissai clopiner dans l’herbe
et essayer de récupérer sa jument.
    Le soleil de cette fin d’automne inondait la
terre encore humide de pluie. J’avais un bouclier à la bosse polie, ma cotte, mon
casque et mes bracelets brillaient, et je resplendissais comme un seigneur de
guerre. Je me retournai et vis que Ragnar m’avait emboîté le pas, prenant à l’est
pour couper la retraite aux hommes de Kjartan, dont c’était la seule issue.
    Arrivé au pied de la colline, je galopai sur
la plaine vers la voie romaine. Je passai un cimetière chrétien hérissé de
petites croix de bois, où s’en dressait une plus grande destinée à montrer aux
ressuscités la direction de Jérusalem le jour où, selon les chrétiens, les
morts sortiraient de leurs sépulcres. La route menait droit à l’entrée sud du
fort, où me guettaient des hommes de Guthred. Ceux de Kjartan se précipitèrent
vers moi, mais ils ne semblaient pas inquiets. Avec raison : j’avais l’air
d’un Dane, j’étais seul et ils étaient nombreux, et mon épée se trouvait encore
dans son fourreau.
    — Lequel de vous est Rolf ? criai-je.
    — Moi, dit un homme à barbe noire en
poussant son cheval vers moi. Qui es-tu ?
    — Ta mort, Rolf.
    Je tirai Souffle-de-Serpent, éperonnai ma
monture qui s’élança au galop. Rolf n’avait pas encore dégainé son arme quand
je passai près de lui et, d’un seul coup de lame, coupai sa tête qui alla
rouler sous les sabots de mon cheval. Je riais, car la joie de la bataille
arrivait en moi. Trois hommes étaient devant, aucun n’avait tiré son épée. Ils
me fixaient, hagards, tout comme ils fixaient le cadavre de Rolf tressautant
sur sa selle. Je chargeai celui du milieu, lui assenai un coup de mon épée, écartai
les autres et me retrouvai devant le fort.
    Une cinquantaine d’hommes attendaient à l’entrée.
Seuls quelques-uns étaient à cheval, mais tous étaient armés. Je vis Guthred, ses
cheveux blonds brillant au soleil, et à ses côtés, Gisela. Durant ces longs
mois d’esclavage, j’avais vainement essayé de me rappeler son visage, et
soudain sa large bouche et ses yeux étincelants m’apparurent,

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