Les valets du roi
d’honneur de la reine Marie de Modène. Marguerite se fit un plaisir de lui présenter Mary.
Il fallut peu de temps à celle-ci pour convaincre le vieil homme qu’elle détenait des informations capitales au retour triomphant du roi déchu en Angleterre. Sir Mannock en fut tout tourneboulé et promit de parler de Mary à sa fille. Il n’y avait plus pour elle qu’à attendre.
Cela ne tarda pas. Miss Strickland accepta d’entendre le propos de Mary et lui donna rendez-vous pour la prochaine visite de son père. Huit jours plus tard, Mary franchissait les grilles du château vieux de Saint-Germain, vêtue et parée avec le plus grand soin par Marguerite qui s’était prise au jeu.
A peine fut-elle descendue du coche, escortée de sir Mannock, qu’elle fut saisie par la majesté du lieu. Un sentiment de panique la gagna. Saurait-elle tromper ces gens ? Elle refusa d’y penser et emboîta le pas au vieil homme.
Sa fille, qu’il visita de son affection, reçut Mary avec attention. Cette dernière se présenta comme lady Readgemond, veuve d’un banquier londonien. Lady Strickland se montra affable, si soucieuse de la sécurité et du bien de sa maîtresse qu’elle assura Mary de son soutien.
— J’intercéderai en votre faveur auprès de mon époux, Robert Strickland, qui est vice-chambellan du roi, ainsi qu’auprès de ma reine. C’est tout ce que je peux faire pour vous être agréable.
Mary s’en contenta et la remercia chaleureusement, insistant encore sur l’importance des informations qu’elle détenait.
Ce fut suffisant.
Deux jours plus tard, un messager posait pied sur les marches de la résidence de Marguerite. Lord Melfort acceptait d’entendre Mary en audience. La date et l’heure du rendez-vous suivaient.
Mary s’y rendit sans hésiter. Lord Melfort l’accueillit avec une prudente réserve et lui demanda froidement de lui exposer ce qu’elle savait de si précieux pour Sa Majesté, après l’avoir fait attendre deux heures durant, assise dans une antichambre somptueusement décorée de tapisseries des Gobelins.
Installé derrière le bureau de son cabinet, il ne l’invita pas à s’asseoir, laissant planer ainsi entre eux le spectre de sa supérieure autorité. Mary s’y était préparée, Forbin ne lui ayant rien caché de ces habitudes de cour.
Relevant le front, le regard droit et fier, elle se lança dans un mensonge avec témérité :
— J’ai été recrutée à Londres par les services d’espionnage de Son Altesse le prince Guillaume d’Orange, dans le but de faire tomber une de vos espionnes nommée Emma de Mortefontaine. Le colonel Titus, passé à l’ennemi, m’instruisit suffisamment sur elle pour me permettre de l’approcher.
Lord Melfort fronça les sourcils. L’entrée en matière de cette lady était peu commune. Il lui accorda donc tout son intérêt et, la coupant, l’invita enfin à prendre place sur la chaise à bras près de laquelle elle se tenait. Mary le remercia et, comprenant qu’elle avait fait mouche, poursuivit son histoire, qui, d’une certaine manière, rejoignait la vérité, pour le cas vraisemblable où il plairait à lord Melfort de vouloir en vérifier certains points.
— Je me suis fait engager chez Emma de Mortefontaine, déguisée en valet.
— En homme ? s’étonna-t-il.
— Oui, monsieur. J’ai une grande facilité au déguisement. C’est d’ailleurs sous un habit de garçon que le colonel Titus m’a recrutée. Puis je poursuivre ?
— Je vous en prie, concéda le Premier ministre du roi Jacques, vous m’intriguez.
— J’avoue, monsieur, être de modeste naissance. Et, de ce fait, contrainte pour survivre d’avoir plus de maîtres que de valets. Je me désintéressais de la politique, seul pour moi comptait le moyen de faire fortune. Et en cela peut m’importait que mon roi fût catholique ou protestant. On peut avoir de l’honneur et de la vertu, sans le boire et le manger, on n’en connaît pas la portée. Or donc, Emma de Mortefontaine m’engagea. J’avais pour mission de découvrir chez elle quels étaient les documents qu’elle avait subtilisés. Pour ce faire, il me fallait gagner sa confiance. J’y suis parvenue, monsieur, trop bien, car elle m’instruisit de tout ce que j’ignorais de cette guerre, des raisons qui avaient poussé Jacques II à céder son trône, de celles qui la menèrent à le servir et de son sentiment que tôt ou tard elle serait démasquée. J’en savais
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