l'incendie de Rome
pas. Cette fois, l’empereur ne se rendit pas sur le Champ de Mars, mais à Ostie, le port de Rome. Il voulait surveiller le ravitaillement d’urgence qu’il avait fait venir des autres parties de l’Italie. Le blé et les olives arrivaient en provenance des entrepôts qu’on avait vidés. Pendant toute la journée, il veilla à son acheminement vers les populations réfugiées. Il décida aussi que toutes les victimes seraient enterrées aux frais de l’État…
Pendant cinq jours entiers, Néron fit la navette entre la résidence du Vatican et les divers points de la capitale où sa présence pouvait être utile. Il n’hésitait pas à se rendre au plus près de l’incendie, qui malheureusement durait toujours. Il apparaissait au milieu des sinistrés sans gardes, au mépris du danger. Dès que le feu était maîtrisé à un endroit, il plaçait des soldats pour empêcher les pillages…
Le cinquième jour, enfin, même si la situation était tout aussi dramatique qu’auparavant, il s’accorda un peu de repos.
Il passa l’intégralité de la journée dans la résidence du Vatican, qu’il décida d’ouvrir aux réfugiés. Ils furent nombreux à s’installer dans les jardins, ajoutant encore à l’affluence et à la confusion.
Lucius Gemellus, quant à lui, alla trouver Tigellin, qu’il n’avait pas vu depuis le jour où il lui avait raconté l’agression. Comprenant que Néron n’avait nul besoin de sa compagnie, il s’était mêlé constamment à la population et ce qu’il avait découvert était de première importance pour le responsable de l’ordre. Le préfet du prétoire l’accueillit dans les coulisses du théâtre. Il était couvert de sueur et sa tunique était maculée de poussière rouge. Lucius pensa un instant à l’être raffiné qui se faisait éventer par un petit esclave. Le drame qui se déroulait avait transformé tout le monde physiquement et moralement.
— La situation est grave, préfet !
— Tu parles du peuple ?
— Oui. Les gens sont bouleversés par ce qui vient d’arriver. Le malheur est trop grand. Ils ne le supportent pas.
— Est-ce qu’ils sont conscients de ce que nous faisons pour eux, l’empereur en particulier ?
— Ils y font à peine attention. Ce qu’ils cherchent, ce sont des coupables.
— Ils s’en prennent aux nouvelles religions, comme le jour de la vache pleine ?
— Non, je n’ai pas entendu cela. Mais ils parlent d’un complot, d’une organisation qui aurait mis le feu.
Tigellin, malgré tous les problèmes qui pesaient sur ses épaules, devint extrêmement attentif. Il congédia un messager qui lui apportait la réponse des Parthes à ses propositions. Ce qui se passait dans la Ville était plus important.
— Tu penses qu’une émeute est possible ?
— À tout instant. Plusieurs ont déjà failli se produire. Il suffit que quelqu’un accuse une personne, n’importe qui, d’être un incendiaire pour que la foule se jette sur elle avec l’intention de la tuer. Dans le cas présent, les soldats étaient là et ont pu s’interposer, sinon, il y aurait eu des morts et des blessés, sans parler des destructions.
— Que faudrait-il, selon toi, pour les calmer ?
— Que l’incendie s’arrête, déjà…
Mais l’incendie n’était pas près de s’arrêter. Le soir du cinquième jour arriva et on se rendit à peine compte que la nuit était venue, tant la clarté restait vive. Une lumière rouge, presque sanglante, montait à l’orient, de l’autre côté du Tibre, comme une aurore tragique, après le coucher de l’astre.
Pour la première fois depuis le début du sinistre, l’empereur donna un banquet, même si le mot était impropre. Un grand nombre de tables avait été dressées dans la salle de réception de la résidence, mais il ne s’agissait pas d’une quelconque réjouissance. C’était l’occasion pour ces hommes qui avaient été si rudement éprouvés de prendre un peu de forces avant de continuer leur tâche.
On n’avait pas lésiné sur la nourriture, mais l’atmosphère était lugubre. Même si les esclaves circulaient avec des carafes de vin, les convives buvaient à peine. À la table de l’empereur se tenaient ses familiers habituels : Poppée, Tigellin, Sénèque et les amis de Pétrone, qui n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Ces éternels fêtards, brutalement plongés dans la
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