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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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servait aux fêtes de Versailles. Comment, en effet, ne pas regretter ces buffets plus garnis qu’une corne d’abondance et ces vins versés sans compter ? Oui, conclut-il en se léchant les babines, il serait sans doute bon d’y goûter de nouveau.
    — Le monde dont tu parles, Jean-Baptiste, est trop beau pour s’en priver. Il faut secourir le comte de Montbellay ! lança-t-elle en brandissant derechef le couteau tranchant. Si tout reste ainsi, il arrivera malheur avant la fin de l’hiver.
    — Mais que faire, ma bonne Berthe ? murmurai-je tristement. Ce n’est pas faute d’avoir échafaudé toutes les sortes de plans.
    — Tu dois parler à ton père, assura-t-elle d’une voix forte. Tu es la seule qu’il écoutera. Pour le sauver du malheur, il ne reste que toi. Agis, et fais-le vite, sinon, il se laissera emporter par les idées noires. Et nous sombrerons tous.
    — Abyssus abyssum invocat. L’abîme appelle l’abîme...
    C’est ainsi que Jean-Baptiste en vint à citer monsieur Blois.
    — Le précepteur vous l’a dit, mademoiselle Hélène, et notre Berthe n’a peut-être pas tort, reprit-il. Oui, je ne vois que cela. Il faut mettre fin à la malédiction qui pousse les Montbellay vers les abîmes. Et puisque votre père n’entend pas agir, ne faut-il pas tourner nos regards vers vous, la fille et l’héritière du comte de Saint Albert ?

    Si Jean-Baptiste Bonnefoix avait imaginé les effets et les conséquences de ses dernières paroles, je crois que ses courtes jambes l’auraient ramené en courant à la douce ferme de son enfance. Mais je m’étais levée d’un bond. La foudre entra chez nous, le sang battit mes joues. Berthe parlait aussi avec raison. En ne faisant rien, le malheur finirait par s’intéresser à nous. Il entrerait à Saint Albert et n’en sortirait plus. Il fallait prendre une décision :
    — Je vais écrire au roi !
    — Allons, murmura Bonnefoix, la lettre, je n’y crois pas. Celle que votre père s’est plu à composer vous a coûté assez cher. Chaque mot que vous coucherez sur le papier sera une flèche retournée contre vous. Un de trop et c’est déjà une bévue. Une phrase mal tournée ? Un péché mortel. D’ailleurs, vous n’aurez pas à subir l’épreuve de la lecture. À l’instant où un simple valet verra votre sceau, le pli sera détruit. Espérer que le roi parcoure votre prose ? Autant imaginer l’invraisemblable. Tiens ! Que vous vous rendiez à Versailles...
    — Je pourrais écrire à la marquise de Sévigné. Elle est de notre famille et elle doit un service à mon père. C’est aussi sa faute si nous en sommes arrivés là.
    — Pardonnez mon audace, mademoiselle Hélène, mais vos propos sont injustes. Madame de Sévigné n’a rien écrit sans l’accord de votre père. C’est en harmonie qu’ils se plaisaient à critiquer la cour. Et, à présent, ce sont ses oisifs qui rient sous cape...
    — Madame de Sévigné a ses entrées à Versailles. Elle est l’amie des artistes dont s’entoure le roi. C’est une moraliste écoutée et crainte. Il suffirait qu’elle parle au roi... Et je sais quand et où !
    — Voyons cela, vous qui connaissez si bien Versailles, ricana Bonnefoix.
    — Lors d’une promenade dans les jardins. Je te décris la scène. Ah ! Sire, quel heureux hasard de vous croiser de si bon matin. Tenez, asseyons-nous là. Pourquoi ? Je dois vous entretenir d’un de vos sujets, victime de la plus terrible des injustices. De qui ? Du seigneur le plus honnête de l’Anjou, d’un fidèle parmi les fidèles et du plus adorable des pères...
    — Mademoiselle Hélène, calmez votre enthousiasme. Versailles ne se présente pas ainsi. Chaque pas du roi est compté à l’avance. Ni seigneur ni serviteur, même Alexandre Bontemps, premier valet du roi, au sujet duquel on dit qu’il est le plus aimé et le plus proche de Sa Majesté, ne s’avance sans que le rendez-vous soit pris. Ne croyez surtout pas que la vie s’y déroule aussi simplement qu’à Saint Albert. Madame de Sévigné parle aisément du roi, mais ce n’est pas pour autant qu’elle le fréquente chaque matin de bonne heure. Ah ! je plains votre innocence et je comprends votre fougue. Mais réveillez-vous, je vous en supplie ! Rien n’est simple chez le roi. Et Versailles est le roi. Mais il est vrai que vous ne connaissez pas...
    — Tu me demandes de me réveiller ?
    — Oui, par pitié.
    — Tu dis que je ne connais pas Versailles ?
    — Ce n’est

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