Londres, 1200
l’attend
là où je te l’indiquerai. Locksley tombera dans la souricière !
— Ranulphe ! S’il te reste un soupçon
d’honneur, ne livre pas ton seigneur ! Tu lui as donné ta foi ! hurla
Furnais.
Il tenta de se précipiter vers le félon mais
l’épée du garde l’en empêcha.
C’était la preuve que Dinant attendait. Satisfait,
il se tourna vers Geoffroi Fils-Pierre :
— Très haut et gracieux seigneur, pouvez-vous
envoyer un messager à Portsmouth ? Il est impossible qu’Ussel puisse
embarquer dès son arrivée, donc le gouverneur du port devrait facilement le
saisir.
— Vous avez raison, je vais donner des
ordres, approuva le grand justicier.
Dinant s’adressa alors au comte d’Oxford.
— Il est temps de prononcer le jugement,
noble grand chambellan. Je pars demain et je souhaite que tout soit réglé ce
soir.
— Vous pouvez me tuer, je mourrai pour ma
foi, lui lança fièrement Furnais.
— Qui parle de te tuer, damné pourceau ?
répliqua Dinant avec un rire sinistre. Songe plutôt à ta peau qui va quitter ta
chair !
Il se tourna à nouveau vers Oxford et martela d’un
ton n’acceptant aucune réplique :
— Je veux que Furnais soit écorché ce soir.
Que tous les Londoniens l’entendent hurler toute la nuit et que demain sa tête
soit accrochée à la tour du Drawbridge Gate pour que personne ne croie que le
roi Jean peut se laisser voler sans réagir. Si certains d’entre vous sont
opposés à cette décision, qu’ils le disent maintenant, je le rapporterai au roi
qui leur proposera un combat avec son champion pour que Notre Seigneur tranche
afin de savoir qui a raison.
Oxford lança un regard au grand justicier, mais
celui-ci, les lèvres pincées, se détourna. Jusqu’à présent, les barons qui
s’étaient opposés à Jean avaient eu leur tête plantée en haut du pont.
Vere allait pourtant protester quand Ranulphe
intervint :
— Noble seigneur de Dinant, puisque vous
partez demain, pourquoi ne pas emmener le seigneur de Furnais à Rouen ?
Qui s’intéresse à lui ici ? Le supplicier ne servira à rien, tandis que
son exécution publique à Angers arrêtera immédiatement la rébellion et
satisfera autrement le roi Jean. De plus, notre roi aura certainement envie de
l’interroger, pour savoir ce qu’il a révélé au roi de France, et pour dénoncer
ses complices.
Dinant resta silencieux et immobile un instant. Ce
que disait Ranulphe n’était pas sot. Il était très simple d’enchaîner Furnais
au fond de la cale. Il offrirait ainsi à Jean à la fois le félon gouverneur
d’Angers et le testament de son frère. Le roi lui devrait son royaume. Aliénor
lui avait déjà promis un comté. Jean ne pourrait que confirmer cette promesse,
et même lui offrir plus. Pourquoi ne briguerait-il pas ensuite la charge de
grand justicier ? Il avait trouvé Fils-Pierre bien terne quant à la défense
des droits de Jean.
— Tu es décidément de bon conseil, Ranulphe.
Où peut-on enfermer ce félon ? s’enquit-il.
— Il y a un cachot dans ma chambre, gronda
Guillaume de La Braye, ainsi je le surveillerai personnellement.
Chapitre 32
V aincu,
Furnais se laissa faire.
Guillaume de La Braye lui enleva la dague qu’il
portait encore et le fit conduire dans sa chambre. Là-bas, il ouvrit lui-même
la porte du cachot et recula aussitôt, saisi par la puanteur. Certes, l’endroit
sentait toujours mauvais à cause de l’humidité et des excréments qu’y
laissaient les prisonniers, mais jamais à ce point.
— Par le cul de Dieu, il y a une charogne
là-dedans ! s’exclama-t-il.
Furnais resta impassible, même s’il s’inquiétait
fort de ce qui allait se passer. Un des gardes alla chercher une lanterne et
entra dans le cachot. La cellule était minuscule et l’homme découvrit
immédiatement le cadavre. Il recula à son tour, surpris et effrayé.
— Seigneur, c’est Hubert !
balbutia-t-il.
La Braye comprit aussitôt. Il saisit la lanterne et
pénétra à son tour dans la basse-fosse. Hubert reposait sur le dos, le visage
blanc comme du plâtre, les yeux ouverts avec une expression horrifiée. Quelques
morceaux de boyaux sortaient de son ventre couvert de sang séché.
Le lieutenant du gouverneur resta figé un instant,
avant de comprendre. Alors il sortit et gifla Furnais à la volée.
— Chien ! Qui a tué Hubert ?
aboya-t-il, les yeux pleins de rage.
Entouré de lames d’épée, Furnais hésita à réagir.
Se
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