Marilyn, le dernier secret

star.
    Ainsi, Patti m'avait confié avoir tenté à plusieurs reprises d'aborder le sujet avec sa tante. Mais, à l'exception d'une seule fois, sa réaction avait toujours été identique : enjouée quelques secondes plus tôt, Eunice se fermait ensuite très vite, refusant de revenir, même brièvement, sur la mort de Marilyn. Quelque temps avant son décès, probablement en 1993, Patti avait toutefois entrepris une énième tentative.
    Ayant lu de nombreux ouvrages évoquant les dernières heures de Monroe, y compris ceux soulevant une prétendue responsabilité de Murray, elle souhaitait réellement entendre la version de l'intéressée.
    Comme d'habitude, l'ancienne assistante n'avait d'abord rien dit. Quand Patti, insistant, avait jeté dans la conversation les noms de Robert F. Kennedy et Joe Di Maggio, Murray n'avait pas flanché. Sans émettre le moindre commentaire, elle avait évité le regard de sa nièce, exactement comme si elle se laissait submerger par ses souvenirs. Mocella s'apprêtait à capituler lorsque, tandis qu'elle se levait de sa chaise, Eunice avait fait un geste dans sa direction. Et comme si chaque mot nécessitait un effort extraordinaire, sans élever le ton, la vieille dame lui avait lancé : « Ce n'était pas un suicide [1] . »
    *
    La confidence n'était pas allée plus loin.
    Et aujourd'hui Patti regrettait de n'avoir pas insisté. Avec du recul, la réponse de sa tante lui apportait toutefois une certaine satisfaction. Bien sûr, elle ignorait l'identité des responsables de la mort de Marilyn, mais l'essentiel était là : l'unique témoin de la dernière nuit avait avoué que la star ne s'était pas donné la mort seule.
    Et, à elle seule, cette confession modifiait l'ensemble de l'histoire.
    *
    L'expérience de Miller avait été différente.
    L'infirmier, lui, n'avait jamais sollicité les confidences de Murray.
    Ainsi, pendant plusieurs semaines après qu'il eut découvert l'ancienne identité d'Eunice Blackmer, leur échange s'était limité au partage de souvenirs anodins sur la vie en compagnie de Marilyn.
    L'assistante de la star aimait notamment évoquer un voyage au Mexique où les deux femmes avaient multiplié les visites chez les antiquaires et les artisans locaux pour meubler le 12305 Fifth Helena Drive que Monroe avait acheté quelques semaines plus tôt.
    À mesure que sa confiance en Miller grandit, Eunice se fit cependant plus sûre d'elle, s'aventurant même sur le terrain du portrait psychologique : « Lorsqu'elle évoquait Marilyn, Eunice ne lui manquait jamais de respect. Au contraire même, il est évident qu'elle avait eu une réelle sympathie pour l'actrice. En fait, Eunice estimait que les problèmes de Marilyn tournaient autour d'une seule cause : son impossibilité à trouver l'amour. Eunice en était persuadée : tout ce que Marilyn voulait, c'était être aimée et aimer en retour. Le reste ne lui importait guère [2] . »
    À mesure que leurs conversations se multipliaient et s'allongeaient, Miller fut toutefois convaincu d'une chose : l'ex- assistante ne révélait pas tout. « Au bout d'un moment, il était devenu clair que quelque chose tourmentait Eunice, confia-t-il. De plus en plus fréquemment, Eunice se mettait à pleurer lorsqu'elle parlait de Marilyn. » Par respect pour sa patiente, Steven Miller n'avait pas tenté d'éclaircir les raisons de ce mal-être. « Ce n'était pas mon rôle de questionner Eunice. Et je pense d'ailleurs qu'elle n'aurait pas apprécié l'exercice et se serait complètement fermée. »
    La confiance étant un équilibre fragile, Eunice se sachant en fin de vie, la brusquer n'aurait servi à rien. « J'avais pris soin de lui faire savoir clairement que j'étais à sa disposition. À plusieurs reprises d'ailleurs, elle m'avait sonné dans sa chambre. Mais, jamais elle n'avait réussi à trouver les mots justes. »
    *
    Sous le poids du passé, Eunice se réfugiait en effet dans le silence et les larmes.
    Tentant de noyer une vérité qu'elle étouffait depuis plus de trente ans.
    1 -
    Entretien avec Patti Mocella, op. cit.
    2 -
    Entretien avec l'auteur.

88. Dernier
    Bientôt tout serait terminé.
    Et c'était beaucoup plus simple que ce que l'on redoutait.
    D'abord, fermer les yeux. Lentement, se laisser glisser. Cesser de s'accrocher. S'oublier. Refuser de résister…
    Une dernière fois, offrir au passé l'occasion de la rattraper. Et pour un instant, un instant seulement, oser en affronter