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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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    — Puisque Votre Majesté me permet d’aborder ce sujet, j’ose prédire avec fermeté que vous entreprenez, Sire, une campagne effroyable. Ce sera la guerre de toute une nation qui représente une masse redoutable. Le soldat russe est brave et le peuple est attaché à sa patrie.
    — J’apprends, reprend Napoléon, que l’empereur Alexandre va se mettre lui-même à la tête de ses armées. Pourquoi faire ? Il ne fera qu’endosser la responsabilité de la défaite ! La guerre, c’est mon métier. J’y suis habitué. Ce n’est pas la même chose pour lui. Il est empereur par sa naissance, il n’a qu’à régner et à désigner un général commandant en chef. Si ce dernier réussit, on peut le récompenser, s’il fait mal, il faut le punir, le casser. Il vaut mieux que le général en chef, et non l’Empereur, soit responsable vis-à-vis du peuple, il ne faut pas oublier que les empereurs portent eux aussi leur responsabilité.
    Puis il invite le ministre à partager son repas. Au cours du dîner, Balachov ayant précisé l’existence de trois cent quarante églises à Moscou, l’Empereur demande :
    — Pourquoi tant d’églises ?
    — C’est que notre peuple est dévot.
    — Bah ! on n’est plus dévot de nos jours.
    — Je vous demande pardon, Sire, ce n’est pas partout de même. On n’est peut-être plus dévot en Allemagne et en Italie, mais on est encore dévot en Espagne et en Russie.
    Napoléon marque le coup, puis, s’il faut en croire Balachov, après un silence, il aurait posé cette question invraisemblable pour un homme qui, depuis trois mois, ne cessait de regarder la carte de l’empire russe :
    — Quel est le chemin de Moscou ?
    — Sire, cette question est faite pour m’embarrasser un peu. Les Russes disent, comme les Français, que tout chemin mène à Rome. On prend le chemin de Moscou à volonté, Charles XII l’avait pris par Poltava.
    Mais Balachov a-t-il vraiment osé lancer une telle réponse ? On est en droit d’en douter... Le ministre parti, Napoléon constate :
    — Alexandre se moque de moi. Croit-il que je suis venu à Vilna pour négocier des traités de commerce ? Je suis venu pour en finir une bonne fois avec le colosse barbare du Nord. L’épée est tirée. Il faut les refouler dans leurs glaces afin que, de vingt-cinq ans, ils ne viennent pas se mêler des affaires de l’Europe civilisée... Aujourd’hui, Alexandre voit que c’est sérieux et que son armée est coupée, il a peur et voudrait s’arranger, mais c’est à Moscou que je signerai la paix.
    Il semble cependant que Napoléon ne pense point encore à pousser jusqu’à Moscou. Son plan : battre rapidement les armées russes. Il lui faut, une fois encore, une victoire. Mais. Napoléon n’est pas plus aujourd’hui le Bonaparte de Rivoli que l’Empereur d’Austerlitz – et il va d’abord, en demeurant vingt jours à Vilna, perdre un temps précieux à vouloir attendre Jérôme et Eugène, tous deux en retard pour rejoindre le gros de l’armée.
    Au vrai, l’Empereur espère beaucoup des quatre-vingt-quatre mille hommes placés imprudemment – c’est le moins que l’on puisse dire – sous le commandement du roi de Westphalie. Napoléon compte que son frère poussera ses forces contre l’armée du prince Bagration qui, attaquée en même temps par les soixante-douze mille hommes de Davout, se trouvera ainsi prise entre deux feux.
    — Ils sont à moi, répète Napoléon.
    Non seulement Jérôme n’envoie pas de nouvelles au Quartier Général, mais il se prélasse, de plus, à Grodno ! Il a ajouté le prénom de Napoléon au sien et estime que cette promotion lui accorde le génie militaire...
    — Vous compromettez tout le succès de la campagne, lui écrit alors l’Empereur, il est impossible de faire la guerre ainsi.
    Bagration réussit à éviter que la tenaille ne se referme sur lui et Napoléon envoie à Davout l’ordre suivant : « L’Empereur ordonne à Sa Majesté le roi de Westphalie de reconnaître le prince d’Eckmühl comme commandant supérieur tant que les corps d’armée seront réunis. » Napoléon-Jérôme, furieux, prend alors la tête de sa garde royale, fait demi-tour et met le cap sur la Westphalie...
    Devant une telle désertion, Napoléon, résigné, se contente de s’exclamer :
    — Quelle incartade !
    L’ennemi poursuivant de tous les côtés son repli, l’Empereur finit par se décider à prendre la route de

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