Napoléon
Saint-Martin montre la Victoire couronnant Napoléon, tandis que la Renommée proclame ses exploits en ces termes :
Gloire au vainqueur, honneur à ses guerriers,
Compter ses jours, c’est compter ses lauriers.
Napoléon est déifié. On entreprend de fondre les deux cent cinquante pièces de canon ou couleuvrines prises aux Russes et aux Autrichiens afin d’élever, place Vendôme, une colonne « exécutée sur les proportions de la colonne Trajane ». Elle devait primitivement supporter l’effigie de Charlemagne, enlevée d’Aix-la-Chapelle par les armées révolutionnaires, mais cette statue se présentait sous un aspect « si gothique », elle se trouvait « si grossièrement exécutée que placée à attirer les regards, elle provoquerait les ris et les sarcasmes mêmes du public. » Aussi, flagorne le ministre, quelle autre statue pourrait occuper la place laissée vacante par Charlemagne, si ce n’est celle du « prince chéri par toute la France » ? Et Napoléon consent à être représenté à quarante-cinq mètres de hauteur déguisé en empereur romain – habillé cette fois. Certes, il aurait préféré – et avec raison – comme il le fut plus tard, se voir figurer en tenue de campagne...
Oh ! quand par un beau jour, sur la place Vendôme,
Homme dont tout un peuple adorait le fantôme,
Tu vins, grave et serein,
Et que tu découvris ton oeuvre magnifique,
Tranquille, et contenant d’un geste pacifique
Tes quatre aigles d’airain.
En 1808 l’Empereur refusera d’être transformé en aurige, sceptre en main, conduisant un char juché sur le sommet de l’arc du Carrousel et tiré par quatre chevaux, trophées ramenés de Venise :
Jamais je n’ai voulu ni ordonné que l’on fît de ma statue le sujet principal d’un monument élevé par mes soins et à mes dépens à la gloire de l’armée que j’ai eu l’honneur de commander.
Le char demeura vide – ce qui permit aux frondeurs de murmurer : Le char l’attend {7} .
Sur ce petit arc commémorant la bataille de Marengo on placera, supportée par des colonnes de marbre rose prises au château vieux de Meudon, un chasseur à cheval, un dragon, un cuirassier et enfin un sapeur-grenadier pour lequel posa le soldat Mariole – ce fameux Mariole qui présenta un jour les armes à l’Empereur, non avec son fusil mais avec une « pièce de quatre », d’où l’expression : Ne fais pas le mariole. Sous la Restauration, il faudra rendre aux Vénitiens les quatre chevaux de cuivre qui, avant d’orner la place Saint-Marc, avaient été pris au IV e siècle, à Constantinople, par les Croisés – mais les Turcs ne réclamèrent rien ; il y avait d’ailleurs prescription...
— Vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de triomphe, avait promis Napoléon aux vainqueurs d’Austerlitz.
Aussi, dès le 18 février 1806, l’Empereur ordonne-t-il la construction d’une porte monumentale « près du lieu où était la Bastille ». Chalgrin préconiseplutôt un autre emplacement : la croisée des chemins de Chaillot et des Ternes, l’ancien carrefour de chasse de l’Étoile, une butte que le frère de Mme de Pompadour – le marquis de Marigny – avait fait aplanir pour livrer passage aux Champs-Élysées, et dont les terres qu’on avait dû enlever avaient été rejetées sur le côté de l’avenue {8} .
Un arc de triomphe, approuve Champagny, fermerait de la manière la plus majestueuse et la plus pittoresque le superbe point de vue que l’on a du château impérial des Tuileries. Il frapperait d’admiration le voyageur entrant dans Paris. Il imprimerait à celui qui s’éloigne de la capitale un profond souvenir de son incomparable beauté... Quoique éloigné, il serait toujours en face du triomphateur. Votre Majesté le traverserait en se rendant à la Malmaison, à Saint-Germain, à Saint-Cloud et même à Versailles.
Napoléon écoute Chalgrin et Champagny. Et la première pierre de l’arc de triomphe de l’Étoile sera posée le 15 août 1806 pour la fête de l’Empereur.
Sans doute Napoléon n’aimait-il guère Paris. Selon lui la ville avait « toujours fait le malheur de la France ». Mais ce sentiment ne l’avait pas empêché de demander à Chaptal, dès 1801 :
J’ai l’intention de faire de Paris la plus belle capitale du monde... Je veux faire quelque chose de grand et d’utile pour Paris. Quelles seraient vos idées à ce sujet ?
— Donnez-lui de l’eau.
— Bah, de
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