Révolution française Tome 2
le fît promener, qu’on le soignât.
Mais aucun des Thermidoriens ne doutait de la prochaine
issue fatale.
Et cependant, à l’annonce de la mort de Louis XVII, ils
laissèrent courir la rumeur – et sans doute la favorisèrent-ils -d’une évasion
de Louis XVII.
C’était manière pour ces régicides, craignant une
restauration, de gêner l’oncle de Louis XVII, ce comte de Provence qui, installé
à Vérone, régent du royaume, se proclama, dès qu’il apprit la nouvelle de la
mort de Louis XVII, Louis XVIII, mais décidant que tant qu’il serait contraint
de vivre en exil, il se ferait appeler « comte de Lille », du
nom d’une seigneurie qu’il possédait à proximité de Toulouse et qui se nommait
l’« Isle Jourdain »…
Le comte d’Artois devient « Monsieur », frère du
roi, rêvant déjà de succéder un jour à son aîné. Mais le comte d’Artois
applaudit la Proclamation de Vérone, que rend publique Louis XVIII.
Elle annonce un retour complet de l’Ancien Régime.
Louis XVIII veut « le rétablissement de la religion
catholique et de notre ancienne Constitution. Ma maxime est tolérance pour les
personnes, intolérance pour les principes. »
Les trois ordres ( clergé , noblesse, tiers état )
doivent être rétablis comme les parlements, ainsi que tous les symboles -le
drapeau blanc à fleurs de lys naturellement – de l’autorité royale, le
souverain étant de droit divin.
Et Louis XVIII promet le châtiment des régicides, coupables
d’un crime qui est aussi un sacrilège.
Les « royalistes de l’intérieur sont au désespoir »,
écrit Mallet du Pan. Ils comprennent que les régicides, se jugeant « impardonnables »,
vont être plus que jamais des adversaires d’un retour des Bourbons.
Tallien le répète. Il ne veut pas être pendu par le roi
restauré. L’avènement de Louis XVIII et sa proclamation de Vérone « achèvent,
continue Mallet du Pan, de déterminer la balance en faveur du gouvernement
républicain ».
Tallien, Barras, Fréron, la Convention décident de renforcer
encore les troupes qui stationnent dans les environs de Paris.
On les rapproche de la capitale. Elles s’installent aux
Sablons, derrière Chaillot, non loin du bois de Boulogne.
Et les protestations des sections où les « royalistes »
et la Jeunesse dorée sont majoritaires, confirment aux yeux des « républicains »
la réalité du danger d’une restauration.
Ordre est donné à la police de « surveiller avec
attention plusieurs quidams habitués du café de Valois et du jardin Égalité que
l’uniformité et la singularité de leur costume font regarder comme suspects ».
Les jeunes gens « dorés » qui avaient servi les
Thermidoriens sont désormais leurs ennemis.
Et les sans-culottes s’en réjouissent.
Un lieutenant de Gracchus Babeuf, le « partageux »,
l’apôtre « communiste » du Manifeste des Égaux, écrit ainsi à
son correspondant parisien :
« Tu ne manqueras pas de donner encore des nouvelles. Oh,
celles que tu m’as données et que j’ai reçues ce matin m’ont mis en goût. Et j’en
éprouve le plus dévorant appétit. Donne-m’en toujours, je suis insatiable… Deux
cents muscadins arrêtés m’annonces-tu ? Ainsi soit-il.
« Vous en tâterez donc aussi, messieurs, et vos cafés, vos
habits carrés, vos chapeaux à la Cobourg, vos chats verts ne vous en
garantiront point ! Quelle mine allongée et livide ils devaient avoir !
Ah, vous pensiez que tout vous était permis, messieurs de la Jeunesse dorée !
Allons, point de quartiers, qu’on les plie à l’égalité. Nul n’a le droit de
dépasser le niveau. »
Et Fréron fait l’éloge de Rouget de l’Isle et de La
Marseillaise.
Et le journal Le Moniteur écrit :
« La royauté, l’exécrable royauté, croyez-vous donc qu’on
puisse la rétablir si facilement ? Est-ce pour nous donner un roi que nous
avons abattu Robespierre ? Prétexte insensé qui couvre peut-être des
intentions qu’il sera facile de dévoiler. »
Et l’on dénonce « une poignée de factieux, de
royalistes, d’émigrés ».
La police constate qu’un émigré, le comte d’Antraigues, met
à la disposition de Louis XVIII les réseaux royalistes qu’il a constitués dès l’été
1789 et qui avaient œuvré pour l’Angleterre, l’Autriche, l’Espagne, la Russie.
Des « agences » royalistes, l’une dite de Souabe, l’autre La Manufacture, ont infiltré
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