Révolution française Tome 2
leurs espions dans tous les
Comités, les rouages gouvernementaux, et renseignent d’Antraigues.
Le général Pichegru est approché, le 29 thermidor an III (16
août 1795), par un libraire suisse, Fauche-Borel, agent de Louis XVIII.
Le roi propose à Pichegru le bâton de maréchal, le château
de Chambord, le gouvernement de l’Alsace s’il se met au service de la monarchie
et, pour gage de son ralliement à Louis XVIII, livre la place de Huningue au
prince de Condé.
Pichegru écoute, hésite, déclare qu’il doit réfléchir.
Sans connaître les détails de ces propositions, Carnot et
Tallien soupçonnent Pichegru et mesurent les périls qui les menacent.
Dans l’Ouest, Charette a rompu la trêve, comme Cadoudal.
Il a dit à ses compagnons :
« Vous ne croyez pas vous autres que je sois devenu
républicain depuis hier ! J’ai joué la République par-dessous la jambe, je
jouerai les Anglais par-dessous la cuisse. »
Car une flotte anglaise débarque à Carnac trois mille cinq
cents émigrés et quinze cents prisonniers français enrôlés de force.
Charette les rejoint après avoir fait massacrer, en guise de
déclaration de guerre, deux cents prisonniers « bleus », et une
centaine d’autres soldats républicains qui ne se gardaient pas, confiants dans
la trêve.
Un deuxième corps expéditionnaire royaliste de deux mille
hommes débarque à Quiberon.
Mais en quelques semaines, Hoche, commandant de l’armée de l’Ouest,
refoule méthodiquement cette « armée » disparate de près de quinze
mille hommes dans la presqu’île, les forçant à mettre bas les armes et faisant
douze mille prisonniers.
Tallien se précipite pour en finir avec ces « quiberonnades »,
qui ont pour les Thermidoriens régicides l’avantage de réunir autour d’eux le
bloc républicain, des partisans de Babeuf aux anciens Girondins et à une bonne
partie des conventionnels modérés.
Tallien veut, impose aux commissions qui jugent les émigrés
une sévérité exemplaire.
On condamne à mort chouans, Vendéens, émigrés. Il y aura
sept cent cinquante exécutions, dont celles de quatre cent vingt-huit
gentilshommes émigrés.
Une dernière tentative de débarquement de quatre mille
hommes, sous le commandement du comte d’Artois, a lieu à l’île d’Yeu.
Hoche empêche leur jonction avec les troupes de Charette, qui
rend d’Artois responsable de l’échec et écrit à Louis XVIII :
« Sire, la lâcheté de votre frère a tout perdu. »
En fait, le comte d’Artois dépendait des Anglais, pressés de
s’éloigner, de rembarquer ces troupes vouées à la défaite.
« Le voilà donc, Monsieur Pitt, le résultat de trois
années de travaux, écrit Hoche dans un rapport du 22 juillet 1795. Il n’est pas
aussi aisé de vaincre les républicains sur leur territoire que dans votre
cabinet… »
À Paris, la victoire sur les émigrés et ce regain de « terreur »
durcit les oppositions entre royalistes et républicains.
Et d’autant plus que, pour s’assurer d’une majorité dans le
Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents, et donc obtenir un Directoire
de cinq républicains, les conventionnels par deux décrets – des 5 et 13 fructidor
an III (22 et 30 août 1795) – décident que sur les sept cent cinquante membres
des Conseils à élire, les électeurs ne choisiront que deux cent cinquante d’entre
eux, les autres sièges – les deux tiers – reviendront aux conventionnels
sortants.
Ces décrets des deux tiers sont un véritable coup de
force parlementaire qui révolte les modérés, tentés par la monarchie, et la
Jeunesse dorée qui espérait conquérir par l’élection le contrôle du Directoire.
Car la Constitution doit être approuvée par plébiscite, comme
les décrets des deux tiers.
Les royalistes appellent à voter pour la Constitution et
contre les décrets, contre cette Convention, « écumée sur les égouts de la
France et les cloaques étrangers », et dont les membres veulent se
perpétuer.
Ah ! du moins par pudeur taureaux
insatiables
Vous êtes engraissés, regagnez vos étables !
peut-on lire dans Le Messager du soir.
Tallien dénonce ces « misérables libellistes gagés »,
ces « insectes politiques », ces muscadins qui manifestent un « abâtardissement
de l’espèce humaine », avec une « paralysie commencée de l’organe de
la parole ».
Et les muscadins, les royalistes, réagissent, interpellent
Tallien et
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