Robin
hocha la tête,
éperonna son cheval et fit demi-tour. « Par-là », dit le chevalier.
Une fois arrivés au gué, ils mirent pied à terre et s’étirèrent. Lorsque leurs
montures eurent bu tout leur content, les hommes les imitèrent, enlevant leur
calot de cuir rond pour verser de l’eau fraîche sur leur tête en sueur.
Agenouillé au bord de la rivière sur un carré de terre ensoleillé, le chevalier
vit une ombre s’étendre devant lui et lentement l’engloutir.
Pensant qu’il devait simplement
s’agir d’un nuage qui passait devant le soleil, il baissa la tête et continua à
boire de l’eau dans ses mains en coupe. Derrière lui, légèrement en hauteur, il
entendit alors un bruissement de plumes. Toujours à genoux, il tendit le cou
devant lui et vit une gigantesque ombre en forme d’aile disparaître dans le
sous-bois – rien de plus qu’un faible miroitement de plumes noires qui
cessa aussitôt.
Le soleil refit son apparition,
laissant le chevalier avec l’irrépressible sensation que quelque chose
d’étrange, de surnaturel, les avait guettés depuis leur arrivée – et que
cela continuait à le faire, pour ce qu’il en savait. Il sentit la peau de son
ventre se tendre sous sa cotte de mailles, et la peur remonter le long de sa
colonne vertébrale. Le guerrier se releva, remit en place son calot de cuir et
tira son épée, prêt à se battre. « À vos armes, soldats ! cria-t-il.
À vos armes ! »
Instantanément, ses hommes
dégainèrent leur propre épée, pointèrent leur lance et formèrent une ligne
défensive en perspective d’une attaque. Qui ne vint jamais.
Le chevalier finit par avancer
prudemment jusqu’aux broussailles où l’ombre avait disparu et fit signe à ses
hommes de le rejoindre en silence, leur indiquant l’endroit où l’ennemi se
cachait. Après avoir vainement essayé d’entendre ou de voir quelque chose, ils
s’enfoncèrent dans le talus, sur le qui-vive. Ils découvrirent un étroit
sentier que les animaux devaient emprunter pour se rendre à la rivière.
S’arrêtant presque à chaque pas pour écouter, ils poursuivirent leur prudente
progression.
Une centaine de pas plus loin, le
sentier se divisait. Un chemin suivait une piste de gibier ombragée surplombée
d’une arche de grosses branches entrelacées, qui était aussi droite, étroite et
sombre qu’un tunnel souterrain. L’autre, plus dégagée, serpentait parmi les
arbres, sous lesquels du boisage rabougri pouvait servir de cache à un ennemi.
Peut-être devait-il mettre cela sur
le compte de son imagination surmenée, mais le chevalier eut l’impression qu’un
air froid et humide suintait le long de la piste la plus sombre comme une
vapeur invisible à l’œil. Le guerrier pouvait le sentir onduler, s’enrouler
autour de ses pieds et de ses chevilles, monter le long de ses jambes. Il
s’arrêta net et enjoignit les autres derrière lui à faire de même.
Réticent à emprunter le premier
chemin, le chevalier réfléchissait à leur situation quand il entendit un
hennissement au loin, dans la direction de la rivière. « Les
chevaux ! »
Se retournant comme un seul homme,
les guerriers repartirent en courant par où ils étaient venus, trébuchant dans
leur hâte au moment où ils ressortirent des sous-bois – pour découvrir que
leurs montures avaient disparu.
« Dieu du Ciel ! s’écria
le chevalier. On nous a roulés ! Vous, là, réveillez-vous !
lança-t-il à deux de ses hommes en les poussant en direction de l’amont de la
rivière. Retrouvez-les ! »
Il envoya les deux autres soldats
en aval, puis retourna en hâte au sommet de la crête, pour vérifier que le
convoi poursuivait sa montée laborieuse.
Il revint au gué et s’assit sur un
rocher, son épée posée sur ses genoux. Au bout d’un moment, les deux soldats
partis en amont le rejoignirent ; ils n’avaient rien vu qui ressemblât à
une empreinte de sabot sur la berge boueuse. L’un des deux gardes expédiés en
aval reparut à son tour, sans plus de résultat – il n’avait pas trouvé la
moindre trace d’un quelconque cheval.
« Où est Laurent ?
demanda le chevalier. Il était avec toi, que lui est-il arrivé ?
— Je pensais qu’il était déjà
là, répondit le soldat en cherchant son compagnon du regard. Vous ne l’avez pas
vu ?
— Non, rétorqua le chevalier
avec colère. Tu peux le constater par toi-même !
— Mais il était juste derrière
moi », insista
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